Coup d'oeil sur l'Asie

jeudi 19 mars 2009

Inde: retour à la source


Voilà déjà plus d’un an que je parcours les routes d’Asie…
Si je suis partie, c’est bien sure pour réaliser mon projet de film et pour me réaliser en quelques sortes, moi aussi, à travers toutes les rencontres que j’ai pu faire ; mais c’est aussi pour retrouver un peu de cette liberté à laquelle j’ai gouté pour la première fois voilà près de 10 ans, lors de mon premier voyage en solo.
Ce premier voyage, vous l’aurez deviné, je l’avais fait en Inde ; et je garde depuis, une affection particulière pour ce pays…


Terre de contrastes et de paradoxes où rien ne semble avoir de sens, l’inde déconcerte le voyageur en permanence. On l’aime ou on la déteste, mais il paraît que jamais on y reste indifférent.

Inde du nord : je t’aime, moi non plus…

En voyage, comme dans une relation amoureuse, il y a des hauts, des bas… Un séjour en Inde, même quand on a l’habitude, n’est pas de tout repos, et vous allez, chers lecteurs, bientôt savoir pourquoi !!

Je suis arrivée à New Delhi, la capitale de l’Inde, le 3 décembre au matin, avec 46 heures de bus dans les pattes et une sérieuse envie de dormir !!!
J’avais rendez-vous dans un hôtel de Pahar Ganj, le quartier des bagpackers, avec mon ami Denis, sensé être arrivé la veille de Paris.
Première déception, arrivée au lieu du rendez-vous, pas de Denis !! Ni dans l’hôtel dont il m’avait envoyé l’adresse avant son départ, ni dans les hôtels d’à coté…
Je sais qu’en Inde rien n’est jamais simple et qu’un rendez vous manqué est chose courante ; du coup, n’arrivant pas à le joindre au téléphone, je lui laisse un email et je prends une chambre dans l’hôtel prévu.
En milieu d’après-midi, voilà Denis qui se pointe, tout dégouté de s’être fait arnaquer en sortant de l’aéroport par un taxi affabulateur qui l’aura tourné en bourrique avant de le lâcher, en pleine nuit, dans un hôtel hors de prix (prix sur lequel le chauffeur aura bien sure touché une grosse commission !).
Bon… à Delhi l’arnaque est connue mais quand on vient pour la première fois, forcement on ne s’y attend pas.

Quoiqu’il en soit 2 jours plus tard, on a été rejoint par notre pote Romain, tout juste débarqué d’Iran. Après une courte visite de la capitale, nous avons décidé de partir pour Varanasi, la ville sainte (que partout ailleurs on continue d’appeler Bénares) où il est bon de finir sa vie lorsque l’on est hindou.
Ensuite, alors que l’on voulait rejoindre Agra pour se faire une idée du célèbre Taj Mahal, on a été détourné (vous comprendrez pourquoi dans la section des coups durs..) de notre route pour au final échouer à Jaipur, dans le Rajasthan.
De là, j’ai abandonné mes potes pour rentrer à Delhi accueillir mon amoureux à sa sortie de l’aéroport. Romain à fait de même avec sa chérie quelques jours plus tard, et nous nous sommes tous retrouvé (avec quelques jours de retard et de nombreuses péripéties à raconter en ce qui nous concernait, Ricardo et moi) à Jaisalmer, aux portes du désert du Thar.

On a fêté la fin de l’année à dos de chameau, et puis chacun est parti de son coté : Ricardo et moi avons prit la direction d’Udaipur, avant de rentrer finir notre séjour ensemble à Delhi, avec tout de même une petite escapade à Shimla et Chandigarh.

Bénarès, ou comment apprendre à déjouer les tours des petits mendiants des bords du Gange…


Lorsque l’on se promène le long des ghâts de Varanasi, on est sans cesse abordé par des gamins qui font les rabatteurs pour les pêcheurs désireux d’emmener les touristes faire un tour sur le Gange. Entre ceux qui vendent des bougies et des fleurs à offrir aux déités des temples et ceux qui posent pour des photos à 5 roupies, il est quasi impossible de marcher tranquillement. Alors pour l’ambiance chargée de spiritualité et de mystère sur les bords du fleuve sacré, il faudra repasser…


Cependant, une fois acceptée l’idée que les ghâts ne sont pas le meilleur endroit pour méditer, on se rend compte que c’est le poste d’observation parfait pour se faire une idée des activités variées des habitants de Bénarès.



Entre les gamins qui tirent des cerfs-volants et jouent aux billes dans le sable, les vieux qui passent le temps en buvant du thé, les croyants qui font leurs ablutions seuls ou en groupe et les vendeurs ambulants, une journée ne suffit pas pour tout observer.
Cela dit, en dehors de ses ghâts, Bénarès vaut vraiment le détour… La vieille ville est faite de ruelles étroites et grouillantes de vie ; et ici, encore plus qu’ailleurs, les vaches règnent sur la ville, à tel point que nul n’ose les déranger…


Mes rencontres

Alors que Romain voyage depuis déjà quelques semaines au moyen-orient et que nous avions prévu de nous retrouver en Inde, Denis s’est décidé au tout dernier moment à prendre quelques semaines de vacances avant de commencer un nouveau boulot d’infirmier urgentiste dans un hôpital de Versailles.

On s’est tous donné rendez-vous à New Delhi et j’ai pu gouter enfin au plaisir de voyager avec des amis. Quel plaisir de retrouver des potes à l’autre bout du monde et faire un bout de chemin ensemble…

Pradhip et Anoop m’ont été présenté par Denis et Romain. Ils se sont rencontré dans le train et ont absolument tenu à nous présenter leurs familles respectives, une fois arrivés à Varanasi. Petite plongée dans la famille traditionnelle indienne… Plutôt sympathique !!!
Mes coups durs

Jusque là, tout va bien…

Allahabad, citée maudite

Je ne sais pas quelles erreurs nous avons commis pendant notre séjour dans la ville sainte, mais apparemment nous méritions d’être punis… Je vais tout vous raconter mais pour faire simple, je vais directement placer l’exposé des faits durant les jours qui ont suivi notre départ de Bénarès dans la section « coups durs ».

Mes rencontres

Aucune qui vaille la peine d’être rapportée ici…

Mes coups durs

Comme j’ai commencé à vous l’expliquer un peu plus haut, Denis, Romain et moi avons quitté Varanasi avec l’intention de prendre un train pour Agra. Seulement lorsque nous sommes arrivés à la gare, il n’y avait plus de place en seconde classe et nous avons du embarqué dans le train en « general class », la moins chère, on a vite compris pourquoi…
Les tickets étant, pour cette classe, en vente illimitée, on s’est retrouvé dès la départ dans un wagon surpeuplé, et pas un cm2 de libre ou poser ses fesses. Au fur et à mesure des kilomètres, chacun a finalement trouvé une position à peu près supportable, jusqu’à ce que l’on s’arrête dans une grande gare où des centaines de passagers ont tenté de rentrer dans le wagon déjà bondé. Panique à bord !! Les plus petits et les plus faible luttaient pour leur survie, tentant de ne pas se faire écraser par la mase humaine qui forçait l’entrée du wagon tandis qu`à l’intérieur on faisait barrage pour essayer de préserver des conditions de voyage déjà à peine acceptables.
Alors que Denis, qui était à côté de moi, faisait barrage pour qu’on ne soit pas écrasé, et me moi je m’appuyais de mon bras gauche contre la paroi pour ne pas tomber sur les deux types recroquevillés à mes pieds, un jeune imbécile s’amusait, de l’extérieur, à passer le bras par la fenêtre du train pour me peloter les seins. Une fois… puis une seconde… J’ai pété les plombs !!! Quelle horrible sensation que de se faire tripoter sans pouvoir bouger d’un pouce, ni pour réprimander l’agresseur, ni même pour éviter ses attaques…
Pour nous, c’en était trop. J’ai commencé à pleurer et à la station suivante, on s’est frayé un chemin parmi les corps compressés et on est descendu du train.

On s’est retrouvé au milieu de nulle part et, le train suivant pour Agra ayant été annulé, nous avons fini (après de longues heures d’attente au bord de la route à regarder passer des bus tellement bondé qu’ils ne prenaient même pas la peine de s’arrêter) par embarquer dans un bus pour la ville la plus proche : Allahabad.

Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule. Lorsque nous sommes arrivés à Allahabad, nous avons passé des heures à chercher une chambre d’hôtel, poursuivis par des rickshaw-wallahs bien décidés à toucher une commission sur le prix de notre chambre. Rien à faire, tout était complet, et nous avons du nous rabattre sur la seule chambre de libre de toute la ville, pas terrible et vraiment hors de prix.
Je me souviens d’ailleurs que nous étions tellement fatigués et dégoutés des péripéties de la journée que nous avons diné ce soir là dans une gargote en face de l’hôtel, probablement la plus sale que j’ai jamais vu au cours de mon voyage : une forte odeur de moisie se dégageait des murs tandis que rats et cafards s’en donnaient à cœur joie sous notre table et tout autour de nous. Un vrai cauchemar !!!

Le soir même nous avons décidé de quitter Allahabad le lendemain à la première heure.
Chose dite, chose faite : à peine réveillés on a quitté notre hôtel pourri pour la gare. Une fois de plus, pas de places en seconde classe dans le train pour Agra…
Pour conjurer le sort, on a donc décidé de se rendre à Jaipur, dans le Rajasthan.
Là encore, pas de ticket disponible en seconde, ni en première classe, mais cette fois, le contrôleur nous assure qu’en achetant des tickets de 3eme classe (la fameuse « General class »), on pourrait, à l’arrivé du train, payer un supplément et se faire surclasser en 2nde classe. On achète donc les billets, on attend le train qui finit par arriver avec 4 heures de retard, et là, surprise : le même contrôleur nous dit qu’il y a une liste d’attente, que nous ne sommes pas dessus, et que nous ferions mieux de revenir le lendemain !!!
Enragés, et presque désespérés, on est quand même monté dans le train en 2nde classe, et on a passé les 16 heures du trajet avec nos sacs, entre la porte et les toilettes. Probablement le pire trajet de ma vie (après celui de la veille, bien sure !!).


Jaipur, notre havre de paix

Je dois dire qu’une fois arrivés à Jaipur, les rabatteurs infatigables ne nous ennuyaient plus, et la chambre d’hôtel simple mais propre, nous a paru le paradis…
J’ai donc passé 3 jours agréables dans la ville rose avec mes potes, à peine le temps de décompresser, avant de repartir seule à Delhi pour récupérer mon chéri qui arrivait de Paris.



Delhi, la ville de tous les délits



Retour a Delhi donc… Ricardo et moi avons pris une chambre dans un hôtel de Karol Bahg, un quartier commerçant, pour éviter l’horrible ghetto de Pahar Ganj, où les bagpackers du monde entier se retrouvent dans des hôtel mal famés, entourés de boutiques qui emploient plus de rabatteurs que de vendeurs..
Malheureusement, très rapidement les chosent ont mal tournées.

Mes coups durs

Tout d’abord, alors que notre programme était de passer les fêtes de fin d’année avec Denis, Romain et Marie, mes potes de Paris, dans le Rajasthan, avant de filer vers le Pakistan où je comptait tourner mes portraits de femmes avant de revenir en Inde pour quelques mois, on s’est retrouvé dans l’impossibilité d’obtenir des visas.
Le problème ne venant pas de l’ambassade du Pakistan, mais de l’ambassade de France, qui refusât catégoriquement de nous délivrer les autorisations nécessaires…
Le comble, puisque depuis la France, un visa touristique pour le Pakistan s’obtient sans aucun problème !!

A peine remis de cette déception, nous avons décidé de prendre le train pour rejoindre les autres à Jodhpur. Seulement, alors que nous venions d’embarquer dans le wagon et que l’on s’affairait à cadenasser nos bagages, Ricardo s’est fait volé le sac contenant tous ses papiers (passeport, visa et carte de séjour) et tous ses sous (CB et 500 euros en cash)…
Je ne vais pas m’étendre sur la soirée qui a suivi, passée au poste de police de la gare d’Old Delhi, à tenter de convaincre les flics d’accepter que l’on reporte un vol et non une perte de bagage (très mauvais pour leurs statistiques !!).

La suite est encore pire : il nous aura fallu un mois et 270 euros pour faire renouveler son passeport (l’ambassade de Cuba en Inde n’ayant aucun pouvoir administratif, il aura fallu tout faire passer par l’ambassade de Cuba à Paris) ; une semaine de plus pour le visa indien et pour finir en beauté : une 10aine de jours pour que Ricardo obtienne le droit de rentrer en France avec (quelle ironie…) un visa de touriste valable 30 jours et qui nous aura couté 60 euros!!!

Bref, les vacances dont on rêvait tous les deux ne se sont pas vraiment passées comme prévues… On est resté bloqué à Delhi pendant près d’un mois, sans pour autant profiter de la ville puisqu’il nous fallait régler ces histoires de papiers.

Retour dans le Rajasthan


Une fois enregistrée la demande de renouvellement de passeport de Ricardo, sachant que l’on aurait à patienter plusieurs semaines, on est tout de même parti dans le Rajasthan, rejoindre Marie, Romain et Denis : une petite semaine à Jaisalmer, dont 3 jours de safari à dos de dromadaire dans le désert… le rêve !!



Ensuite on les a laissé rentrer sur Delhi (Denis et Marie devaient reprendre l’avion pour Paris) et Ricardo et moi avons décidé de prendre quelques jours à Udaipur, une ville agréable, entourée de lacs, et dont le célèbre palace, datant de l’époque du Raj, la fait ressembler de près à une citée sortie tout droit des contes des mille et une nuits.



Mes rencontres

Il ne manquait plus qu’elle pour que la bande soit au complet : la petite Marie, tout droit arrivée de Paris, pour 2 semaines de folie !!!
J’ai vraiment apprécié de me retrouver entre potes pour fêter la fin de l’année...
Même si au cours de mon voyage, j’ai rencontré beaucoup de gens dont une bonne partie sont devenus des amis, rien de vaut le plaisir de retrouver des vieux potes pour démarrer la nouvelles année du bon pied !!

Mes coups durs

Je parle là de la fin de l’année mais en réalité nos dates n’ont pas vraiment coïncidées avec celles des fêtes de fin d’année… Pas de chance (mais ça reste un tout petit coup dur !), j’ai passé noël dans le train et le nouvel an dans le bus !!
Après le Rajasthan, retour à Delhi pour mon chéri et moi.
C’est d’ailleurs là qu’à vraiment commencé l’attente, en ce qui concernait ses papiers.
Les jours filaient, notre temps ensemble s’amenuisait, et toujours rien : pas de nouvelles de l’ambassade, impossible de bouger.. Bref, pas terrible !
On a quand même fini par tout régler, 5 jours avant le départ de Ricardo, et on a filé au nord, à Shimla, petite ville de montagne et ancienne station climatique sous l’empire britannique ; puis à Chandigarh, la fameuse ville entièrement dessinée par le Corbusier (et dont j’ai trouvé l’architecture pratique, mais vraiment dénuée de charme).



Ensuite Ricardo a repris l’avion… Pas facile de se séparer de nouveau, surtout que je commençais à m’habituer à avoir un homme à mes côtés, ce qui lorsque l’on voyage en Inde du nord, change beaucoup de choses, en particulier en matière de respect.
Quant à moi, j’ai repris le fil de ma mission, et en quelques sortes mon quotidien :
j’ai recommencé à couchsurfer et à tourner.

Delhi, ma vision de la ville s’embellit ...

Pendant cette dernière semaine passée à Delhi, j’ai découvert (et ce, en grande partie grâce à mes hôtes CS) un nouvel aspect de la capitale indienne :
Un rythme de vie plus décontracté, des gens cultivés et ouverts d’esprit, des endroits sympathiques où sortir le soir (et pas forcement hors de prix), des coins calmes, en dehors du vacarme incessant du centre, bref… presque une autre ville !!

Mes rencontres

Navneet et Priya m’on accueillit dans leur appartement du sud de la ville (réputé pour être moins conservateur que le nord) pendant 7 jours.
En couple depuis longtemps, ils se sont mariés voilà environ un an et vivent séparés de leurs parents (fait suffisamment rare dans la société indienne pour être souligné).
Alors que Navneet est programmateur informatique, Priya est l’assistante d’un célèbre documentariste indien (ce qui nous faisait dès le départ, je l’admets, un point commun).
J’ai découvert en eux, ce que je n’avais jamais rencontré jusque là en Inde : des jeunes totalement ouverts sur monde extérieur, et avec qui je pouvais avoir le même genre de conversation qu’avec mes potes.
J’ai rencontré leurs familles et leurs amis, et je dois dire que nous avons vraiment passé de bons moments ensemble, sans oublier que c’est entièrement grâce à eux que j’ai pu tourner mon portrait de femme à Delhi, puisque Reshu, la jeune fille que j’ai interviewé, se trouvait être la fiancé de Vikram, un ami de Navneet.

Shinvani, 22 ans, est la petite sœur de Vikram. Elle a tenu à me filer un coup de main dans mes recherches pour mon tournage et m’a accompagné dans les bidons-villes pour me faciliter les choses. J’ai aussi passé quelques soirées avec elle à descendre des bouteilles de whisky et tout en chantant du Khaled : « didi, eh didi, eh didi, etc… », on s’est payé de bonnes crises de rire et encore une fois, j’ai été surprise de découvrir le dessous des cartes… La jeunesse indienne contemporaine est bien loin d’être ce que l’on croit (lorsque l’on croit ce qu’en disent ses parents !!)

Mes coups durs

Rien à signaler…
Vous l’aurez compris, mon second séjour à Delhi n’a rien eu à voir avec le premier…
Je reste persuadée que le Couchsurfing y est pour beaucoup, et une fois de plus, je recommande !!

Mon film

Après 2 mois de vacances (si on peut vraiment appeler ça des vacances), j’ai finit par reprendre la caméra pour faire le portrait de Reshu.

Agée de 26 ans, Reshu est l’ainée de 3 enfants. Avec ses 2 jeunes frères et ses parents, elle vit dans la maison de sa grand-mère paternelle à Kohat Enclave, dans le nord de Delhi. Elle travaille comme secrétaire tout en préparant un MBA en RH.
Elle est hindoue, d’une famille originaire du Pendjab et appartient à la classe moyenne. En aout 2008, elle rencontre Vikram, qui travaille dans la même société. Il lui propose le mariage, au bout de 3 mois elle accepte et ils décident de convaincre leurs parents respectifs d’arranger leur mariage. En février 2009, ils se marient en grandes pompes.
La dot est payée, l’image des familles est sauvée par ce « love-cum-arranged marriage », la dernière mode en matière de mariage en Inde, qui signifie que les partenaires sont amoureux l’un de l’autre mais que les parents vont tout de même arranger leur mariage.
Mon sentiment : Reshu sera une épouse et une belle fille respectable, au sein de sa nouvelle famille. Elle se considère comme une femme moderne et libre. Pourtant, sa conception du mariage et de la femme restent tellement conservatrices…


Au terme de ces deux mois en Inde du nord, je dois dire que j’étais plutôt contente de descendre vers le sud, que par expérience, je sais beaucoup plus relax…
Une fois terminé mon portrait de Reshu, j’ai donc récupéré ma sœur Alice (dont le séjour en Inde était prévu depuis déjà plusieurs mois) à l’aéroport, avant de prendre un avion avec elle pour Cochin, dans le Kerala.

Inde du sud : et je me souviens pourquoi ce pays me plait tant…

Au programme de mon dernier mois en Inde : deux semaines de vacances (mais cette fois des vrais vacances !) avec ma sœur, une nouvelle visite de Romain et deux portraits de femmes dans l’Andra Pradesh, à Hyderabad, la plus grande ville musulmane du sous-continent. Comme d’habitude, des hauts et des bas, mais au final beaucoup de bons moments !!

Le Kerala, petit paradis terrestre


Je suis arrivée avec Alice à Cochin, le 9 Février 2009. Pour son premier séjour en Inde, j’avais décidé de lui épargner les grandes villes et planifié un petit tour dans l’une des régions les plus agréables du pays.



Nous avons donc passé 3 jours à Fort Cochin, ancienne enclave portugaise et dernier bastion des juifs de l’Inde ; avant de descendre sur Allepey, une petite ville bordée de canaux que l’on appelle ici des backwaters et située non loin de magnifiques plages de sables blancs. Bref : le pied !!

Romain nous y a rejoints et nous sommes remontés un peu au Nord, vers Munnar, célèbre pour ses collines recouvertes de plantations de thé. On y a loué des motos et on s’est promené le long de routes incroyables de verdure, jusqu’à une cascade où on a pris un bain, comme à la maison !!



Un climat tropical, des gens souriants, une ambiance détendue, des massages ayurvédiques…Une chose est sure, dans le Kerala la vie est douce.



Mes rencontres

Ma petite sœur chérie, bien évidemment, à qui j’étais ravie de faire découvrir un petit bout d’Inde (surtout que c’était le meilleur !!).


La bande de la Gowri guest house, à Allepey, que j’avais rencontré lors de mon dernier passage en Inde en 2006, et en particulier Afsal, un musulman pas vraiment pratiquant de 32 ans, très sympa et toujours prêt à filer un coup de main pour quoi que ce soit.


Romain : encore lui !!!
Apres le départ d’Alice, on a reloué une moto (une mythique Royal Enfield bien sure !!) et on est retourné à Allepey profiter de la plage une toute dernière fois…


Mes coups durs

Rien, à part les mateurs sur la plage qui sont vraiment fatigants… Cela dit je comprends que dans ce pays où les femmes, hindoues ou musulmanes, sont couvertes des pieds à la tête, les pauvres types sont souvent frustrés (ce qui, pour autant, n’excuse pas leur comportement immature et débile).

Hyderabad : cité (pré)historique


Lorsque je suis arrivée à Hyderabad, j’avais pour intention de tourner un portrait de femme relatif à la question du divorce chez les musulmans. Car il faut savoir que l’Inde à ceci de particulier qu’administrativement, toutes les religions sont reconnues et mises sur un pied d’égalité. Ce qui signifie que certaines lois (dont celles qui régissent le mariage) différent en fonction de la religion des individus.
Ainsi, en ce qui concerne les musulmans, (près de la moitié de la population à Hyderabad et plus de 70% des habitants de la vieille ville) c’est la « All India Muslim Personal Law Board » qui détermine les droits et devoirs des époux.
En matière de divorce, cette loi (incroyable mais vrai !) n’autorise les couples à se séparer qu’à la demande du mari, à qui il suffit de prononcer trois fois le mot « talaq » pour se trouver divorcer de sa femme. L’épouse quant à elle, ne peut entamer de procédure de divorce que dans des cas extrêmes, et la plupart du temps, si elle va à l’encontre de la volonté de son mari, elle se voit débouter de sa demande (autant par les chefs religieux que par les tribunaux légaux).

Face à cette situation, j’ai décidé de tourner deux portraits de femme, l’une étant victime d’un divorce non désiré qui l’a conduite à se retrouver mise à la porte de chez elle sans un sous en poche ; l’autre, se voyant refuser le divorce depuis plus de 10 ans alors que son mari lui a sauvagement coupé (et pas juste égratigné puisqu’il le lui a carrément amputé) le nez dans un violent accès de colère.

Mon film

A 20 ans, Nasreen vit aujourd’hui dans une pièce de 9 mètres carré avec son père et sa mère, sa grand-mère et sa sœur, âgée de 21, divorcée, mère d’un bébé de 1 ans et d’une petite fille de 3 ans. 4 mois après son mariage, Nasreen a été renvoyée chez ses parents par son mari parce que son père n’est pas en mesure de payer les 10 000 roupies de dot promise avant le mariage.
Apres avoir tout tenté, allant même jusqu’à la menacer de mort pour récupérer cet argent, il a finit par lui annoncer le triple talaq au téléphone et ainsi prononcer le divorce.
Sans aucun recours contre ce divorce, Nasreen, avec l’aide d’une association, a porté plainte pour exigence de dot et espère ainsi récupérer les 50 000 roupies dépensées par son père pour le mariage. Le jugement n’a pas encore été prononcé mais moins de deux semaines après avoir été arrêté, son ex-mari a payé sa caution pour sortir de prison et s’est remarié. Nasreen quant à elle risque d’être à nouveau mariée d’ici peu de temps ; elle n’en a pas envie mais son père, n’ayant pas les moyens de nourrir toute la famille, lui a déjà trouvé un prétendant…


Sultana a 29 ans et un fils de 12 ans.
Elle a été mariée de force à 17 ans, à un homme de 28 ans.
Il n’a aucune éducation, tandis qu’elle est intelligente et débrouillarde. Elle réussit tout ce qu’elle entreprend ; il est jaloux et la trouve prétentieuse.
Onze mois après leur mariage et alors qu’elle est enceinte de 8 mois, son mari l’assomme et lui ampute le nez avec une tenaille. Il se rend ensuite au poste de police avec le nez pour proclamer son fait. Sultana passe plusieurs mois à l’hôpital. Lorsqu’elle en sort, elle s’installe chez son frère. Son marie purge une peine de 3 ans puis sort de prison. Elle ne peut imaginer retourner vivre avec lui mais il refuse de lui accorder le divorce.
Un an plus tard, Sultana décide de se prendre en charge et de vivre seule. Seule sa belle sœur la soutient financièrement tout en lui conseillant de laisser tomber la plainte qu’elle a déposée en 2002 pour réclamer le paiement des frais d’éducation de leur fils.
Aujourd’hui Sultana s’assume seule, elle travaille comme travailleuse sociale au sein d’une association qui aide les femmes musulmanes de Hyderabad à défendre leurs droits.


La semaine que j’ai passé à Hyderabad n’a pas été facile. Apres les semaines de rêve que je venais de passer dans le Kerala, me retrouver à partager le quotidien de femmes dont les moindres droits sont bafoués au quotidien et qui en plus, vivent dans une pauvreté extrême, à été pour moi moralement très difficile. Heureusement j’ai tout même eu quelques bons moments, comme par exemple le 8 mars, où je suis intervenue dans une conférence sur le thème des droits de la femme, organisée par l’association Shaheen (pour laquelle travaille Sultana) dans le cadre de la journée internationale de la femme.
Me retrouver face à ces femmes en niqab et burqa, ahuries d’entendre qu’elles avaient des droits fondamentaux à faire respecter par leurs maris, leurs pères et leurs frères, et pourtant pleine de bonne volonté m’a fait du bien. Pourtant je doute que pour elles les choses changent vraiment dans les années à venir. J’étais déjà passé à Hyderabad en 2003, et dans mon souvenir, la plupart des femmes portaient le hijab (simple voile couvrant les cheveux) voir le chador ; visiblement depuis, la situation s’est radicalisée…

lundi 2 février 2009

Au Népal, apellez-moi “didi”…

Kathmandu


Apres un passage éclair en Thaïlande, (l’occasion de poursuivre le portrait de Nan, la « fille parfaite », qui s’est dévergondée durant mon absence, est tombée enceinte et s’est mariée en catastrophe quelques semaines avant mon arrivée.) je suis arrivée au Népal avec un peu d’appréhension :
Je n’avais pas vraiment travaillée depuis des mois, et le fait de reprendre la course contre la montre que m’impose le fait de devoir trouver des femmes et tourner leurs portraits en moins de 30 jours me plaisait moyennement. Je m’étais habituée à prendre mon temps et il me fallait revenir à un rythme beaucoup plus soutenu !
En plus, mon hôte couchsurfing (avec qui je n’avais échangé que quelques emails) ne m’avait pas donné de nouvelles depuis des jours et je n’avais pas son adresse, donc je me préparais à affronter la dure réalité des guest house de Thamel, le quarter des bagpackers à Kathmandu, grouillant de mendiants, de dealers et d’arnaqueurs en tous genres…
Au final je n’y ai passé que 3 jours, le temps pour moi de prendre contact avec John, mon hôte CS et d’emménager chez sa cousine Sarita pour près de 10 jours.
C’est d’ailleurs dans ce foyer de banlieue que j’ai découvert la vrai Kathmandu, bien plus accueillante que ce que laissait présager mon passage à Thamel.
Je suis très vite devenue « Emilie didi » (trad : sœur Emilie) pour toute la famille, car au Népal, chose que je trouve appréciable, les gens utilisent tous des termes relatifs au champ dialectique de la famille pour s’interpeller : en fonction de l’âge de la personne que l’on a en face de soit, on est « didi » ou « auntie » pour les femmes, « bhai », « dhai » ou « uncle » pour les hommes… J’aime bien !!!

Mes rencontres :

Comme ne l’indique pas son nom, John est népalais.
A 26 ans, il vit avec son frère James, 19 ans, dans une maison qui appartient à son oncle Dane, ancien Gurkha émigré en Angleterre ; mais lorsque je l’ai rencontré, il habitait avec sa cousine Sarita (dont le mari vit et travaille à Hong Kong), qui venait d’emménager dans une nouvelle maison et ne se sentait pas de s’y installer sans avoir un homme à la maison, au moins pendant les premières semaines.
Quoi qu’il en soit, John termine des études d’ingénierie civile et partage son temps entre son église (il est évangéliste et très, très épris de religion : du style à lire la bible matins et soirs sans exceptions) et les différentes associations dont il fait parti (contre le sida, pour la liberté d’expression, l’alphabétisation, le sauvetage des enfants des rues, et bien d’autres encore…). Son projet à moyen terme est de monter et gérer un orphelinat et un centre d’accueil pour les gamins des rues.
La petite histoire concernant John, c’est qu’alors que je pensais en quittant la Thaïlande que je n’entendrais plus jamais parler de lui après sa confirmation d’hébergement sur CS, il est carrément venu me chercher à l’aéroport ! Malheureusement pour nous deux, je n’avais pas lu le mail qu’il m’avait envoyé le jour de mon départ et lorsque j’ai atterrie a Kathmandu, j’ai directement pris un taxi pour le centre ville. Le pauvre John m’a attendu pendant 2 heures avec à la main, une pancarte géante à mon nom…
Heureusement il ne m’en a pas voulu, est s’est montré, dès le départ, très amical. John est d’ailleurs probablement la personne la plus dévouée que j’ai jamais rencontrée… Il est très respectueux de ses préceptes religieux et du coup il est profondément bon et attentionné envers tout le monde : toujours prêt à aider son prochain sans aucun apriori. Si tous les croyants étaient comme lui, la terre serait probablement le vrai paradis.

Sarita m’a gentiment accueillie au sein de sa petite famille pendant près de 10 jours.
Mariée à 15 ans à un homme qui vit a plusieurs milliers de kilomètres de chez elle et qu’elle n’a pas vu depuis plus de 2 ans, elle ne travaille pas et élève ses 2 garçons avec l’aide de Smiriti, la fille à tout faire de la maison.

Sa vie est finalement assez répétitive : elle ne sort de chez elle que pour aller au marché ou encore pour récupérer son fils Man à la sortie de l’école (quand ce n’est pas Smiriti qui s’en occupe…). Alors elle occupe son temps en regardant la télévision et en supervisant les ouvriers qui terminent les derniers travaux à effectuer dans la nouvelle maison. Tous les mois, son mari lui envoie 40 000 roupies népalaises (400 euros), ce qui lui suffit largement pour faire tourner son foyer en se tournant un peu les pouces…

Manita m’a été présentée par John comme une jeune népalaise moderne, issue de la classe moyenne. A 19 ans, elle entre tout juste à l’université pour étudier le commerce (même si en réalité elle a un petit penchant pour la photo). Ses parents tiennent une petite boutique alimentaire au dessus de laquelle ils habitent avec leurs deux filles. La première fois que je me suis promenée avec Manita et l’une de ses copines, les deux jeunes filles se sont révélées très curieuses des coutumes françaises et européennes, en particulier en ce qui concerne la famille, la place des femmes et la vie des jeunes dans les pays occidentaux. Elles ont semblées surprises et parfois choquées d’entendre ce que j’avais à leur raconter. Au final, elles semblaient à la fois séduites et désapprobatrices. Quoiqu’il en soit, et malgré un certain conservatisme, j’ai trouvé Manita intelligente, assez libre dans sa façon de penser, et surtout très sympathique.

Comme l’Inde, le Népal est envahit de touristes israéliens…
Ils se divisent en deux groupes : les couples d’âges murs qui viennent passer quelques jours de vacances dans ce pays de montagnes avant de continuer leur périple vers l’Inde et l’Asie du sud-est ; et les jeunes qui cherchent à décompresser et prendre du bon temps au sortir de leurs 3 ans de service militaire.
Ceux-là sont considérés par les locaux comme les pires touristes ayant jamais foulé le sol népalais : ils s’installent généralement à Kathmandu pour plusieurs mois, se déplacent en groupes et semblent n’avoir de respect pour rien ni personne…
Ils veulent faire la fête et n’hésitent pas à se mettre la tête à l’envers par n’importe quel moyen. Selon les habitants de Thamel, à chaque fois qu’une bagarre éclate dans la rue, on peut être sure qu’elle implique des israéliens. Du coup il existe à Kathmandu une règle qui semble inaltérable : les israéliens doivent payer plus chère que les autres !!!
Petit exemple : lorsque je suis arrivée à l’aéroport, pour éviter de débourser une somme exorbitante pour un taxi, je me suis joint à un groupe de 5 israéliens qui s’étaient rencontré dans l’avion et leur ai proposé de partager un taxi. Une fois arrivés à Thamel et après un passage obligé à Bet Chabad, la maison d’Israël à Kathmandu (où semble t-il tous les israéliens débarquent en arrivant au Népal pour faire le point sur la situation et bénéficier des conseils de leurs compatriotes), nous avons commencé à chercher des chambres d’hôtel (une fille de 20 ans voyageant seule faisait partie du groupe et m’avait proposé que l’on partage une chambre pour en diminuer les frais). Pendant au moins 2 heures, nous avons fait le tout du quartier, passant d’un hôtel à un autre sans rien trouver à moins de 700 roupies (tarif négocié pendant ¼ d’heure !!). Lorsque j’en ai eu marre de chercher et que je me suis rendue compte que la fille en question était prête à payer une chambre hors de prix, juste pour rester à coté de Bet Chabad, je les ai laissé tombé et je suis partie de mon coté. En 5 minutes, j’avais trouvé une chambre à 300 roupies, et ce dans un hôtel dans lequel on était déjà passé !!! On m’a confirmé par la suite qu’il existait bien à Kathmandu un tarif spécial Israël et que les ressortissants israéliens étaient moins bien venus au Népal que toutes les autres nationalités… Finalement, même si les français sont connus dans le monde pour être de vrais radins, ce n’est pas la réputation la plus difficile à porter !!!

Mes coups durs :

Rien de grave lors de mon séjour à Kathmandu à rapporter dans cette rubrique…

Mon passage à Thamel n’a duré que 3 jours et malgré le nombre assez impressionnant de gens mal intentionnés que j’ai pu rencontrer dans ce laps de temps (généralement des gérants de guest houses et des professionnels du tourisme intéressé pas seulement par mon porte monnaie..), tout s’est bien passé (mais je vous assure que je n’aurais jamais ouvert à qui que ce soit qui frapperait à la porte de ma chambre, pas même les employés des hôtels !!)

Chez Sarita, c’était une toute autre histoire :
Levé avec le soleil tous les matins, diné à 18h et couché tous les soirs en même temps que les enfants (3 et 12 ans)… Une vie saine, certes, mais pas très exaltante ! Sans parler des thalis (plat traditionnel au Népal comme en Inde, composé de riz blanc, curry de choux fleur parfois agrémenté de patates et dune soupe de lentilles appelée dhal) matin, midi et soirs !
Ne me méprenez pas, j’ai l’air de me plaindre et de faire mon enfant gâtée… Seulement si au début j’ai apprécié la cuisine de Smiriti à sa juste valeur (une cuisine simple, mais délicieuse et très nutritive), au bout de 3 ou 4 jours j’aurais tout donné pour un légume vert ou un yaghourt !!! J’aurais voulu cuisiner, le problème c’est que l’accès aux ustensiles cuisine m’a toujours été refusé (je ne sais d’ailleurs pas trop si c’est par excès de politesse et par volonté de m’accueillir dans les règles), ou si Sarita, pourtant adepte de la religion bouddhiste, pratiquait la coutume hindoue qui veut qu’un étranger (comprendre quelqu’un d’une autre caste) ne doive pas toucher aux ustensiles de cuisine sous peine de les souiller et de les rendre inutilisable pour cause d’impureté).
De plus, j’ai remarqué que les népalais, habitués à ce régime perpétuel, ne le trouvent pas particulièrement monotone. Ainsi lorsque j’ai invité John, Manita et un couple d’amies au restaurant un midi, ils ont tous préféré commander des thalis plutôt que des momos (bouchées à la vapeur chinoises dont raffolent tous les népalais au point d’en voir fait un plat national) ou des plats continentaux, et cela uniquement parce qu’il n’était pas l’heure de manger autre chose (le régime népalais comprend aussi de nombreux encas, répartis dans la journée et généralement faits de chowmein, de momos ou de fritures).
Je dois quand même préciser que lorsque l’occasion s’est présentée que j’invite Sarita, Smiriti et les enfants au resto (Sarita n’aimant pas sortir avec les enfants, la convaincre a été difficile, même pour aller dans une échoppe du quartier !!!), la situation s’est révélée quelques peu différente : les 2 garçons ont changé la donne en se régalant de hamburgers et de boissons sucrées, tandis que les adultes ont mangé des momos et du chowmein. En même temps il était 4h de l’après-midi…

Quoiqu’il en soit, j’ai fini de vous parler des mes réflexions psychologico-culinaires et je vous propose de vous pencher sur un sujet bien plus intéressant : mon film !!

Mon film :

Lorsque j’ai parlé à John de mon projet, il a paru tout de suite emballé et m’a proposer de m’apporter son aide. Très rapidement, j’ai grâce à lui, pris contact avec une association (la seule en fait, au Népal) LGBT.H (Lesbiennes, Gays, Bi et Transsexuels, sans oublier les hermaphrodites - 1 membre au sein de l’association, dont on ne tient pas à faire une victime de discrimination !!).
Selon BDS (Blue Diamonds Society), au Népal, 150 000 personnes se revendiquent LGBT (plus 1 personne des deux sexes je le répète – moi non plus je ne veux pas faire de discrimination !!)

La grande découverte que j’ai faite en discutant avec le président de l’association, c’est qu’en réalité, les notions de gay ou lesbienne ne s’appliquent pas à cette population.
Je m’explique : la pression sociale est telle dans la société népalaise, et les gens (LGBT ou pas) tellement encrés dans la tradition, que même au sein des couples homosexuels, l’un des intéressé doit jouer le rôle de la femme (pour les gays) ou de l’homme (pour les lesbiennes). Du coup les couples sont formés de transgenres (un homme qui se considère et se comporte comme une femme ou inversement) et de pseudo hétéros (qui considère leur partenaire comme étant du sexe opposé).

C’est un peu compliqué, mais en gros et en ce qui nous concerne, cela signifie que vous ne verrez pas au Népal de couples composé de deux femmes ressemblant à des femmes. L’une d’elle sera forcement prénommée et vêtue comme un homme, se présentera et se comportera en tant que tel (dans la culture népalaise, les taches sont bien définies au sein du couple).
Et si tous ces transgenre (masculins ou féminins) ne sont pas des transsexuels (c'est-à-dire ayant subi une opération de changement de sexe), c’est uniquement parce que l’opération ne se pratique pas au Népal et que d’aller se faire opérer en Inde ou au Népal est soit très dangereux, soit très couteux… La situation est telle qu’aujourd’hui BDS réclame au gouvernement népalais l’officialisation d’un troisième genre, en plus du masculin et du féminin !!!

Pour moi qui désirais faire le portrait d’une lesbienne, un vrai problème s’est alors posé : aucune des filles que j’ai rencontrées ne se considérait vraiment comme lesbienne (au sens où on l’entend en occident) et comment décider laquelle des partenaires (la féminine ou la masculine) d’un couple de femmes collait le plus à ma définition du lesbianisme (celle du dictionnaire : une femme ayant une attirance sexuelle pour une autre femme)…
Finalement, et après maintes réflexions, j’ai décidé de faire le portrait d’un couple : ce sera au spectateur de décider lui-même de la situation des homosexuelles au Népal !!
Suman et Anusar

A 26 et 23 ans, les deux jeunes femmes ont un parcours surprenant :
La première est bouddhiste, tandis que la seconde est hindoue, elles viennent de la région Est du Népal et se sont rencontrée en 2006.
Dès leur première rencontre, elles sont tombées sous le charme l’une de l’autre et ont démarré une relation amoureuse qui les a amenées, voilà quelques mois, à fuir leurs familles respectives et s’installer ensemble à Kathmandu.

Chose qui m’a paru assez insolite, Suman et Anusar sont mariées religieusement. Elles ont réussi à tromper la vigilance d’un prêtre hindou (Suman passant plutôt bien pour un homme) et ont échangées les sacrements du mariage.
Aujourd’hui Suman travaille pour une association népalaise de droits de l’homme, tandis qu’Anusar suit une formation d’esthéticienne. Elles vivent dans une chambre minuscule sur le toit d’un immeuble de Thamel et ne côtoient que des LGBT.
Au-delà de leur franchise et de leur gentillesse, ce qui m’a beaucoup touché les concernant, c’est la complicité et la tendresse qui émanait de leur couple en dépit d’une vie pas tous les jours facile et d’une vrai détresse (surtout chez Anusar) concernant leurs relations avec leurs familles.

Gularia


Je suis arrivée dans la petite ville de Gularia, dans l’ouest du Népal, après avoir pris contact avec « Friends of needy children » (FNC), une ONG locale qui se charge de porter secours aux enfants victimes de violence, de malnutrition, et de toutes sortes de maltraitances.
Pour arriver à Gularia de Kathmandu, j’ai du prendre un micro bus, une sorte de taxi collectif très commun dans la capitale népalaise. 16h de trajet, de nuit, avec un seul et même chauffeur qui faisait des pauses thé rapides toutes les 2 ou 3 heures. J’étais assise à coté de lui sur le siège passager (pas de ceinture de sécurité) et toute la nuit j’ai rêvé que le type s’endormait au volant, au point qu’à un moment, je me suis réveillée en sursaut et je lui ai attrapé le bras, pensant qu’endormi, il me tombait dessus … le type m’a regardé avec un air surpris (tu m’étonnes !!) je me suis excusée et rendormie aussi tôt.
Au petit matin, sur la route déserte, des familles entières de singes se réchauffaient sous les premiers rayons du soleil et on devait presque tout le temps rouler au pas pour leur laisser le temps de dégager la route.
Arrivée à Nepal Ganj, le terminus, vers 10h du matin, j’ai du reprendre une jeep collective pour finalement arriver à Gularia vers 11h00. Autant dire que j’étais épuisée…
Mais ne voulant pas perdre de temps, j’ai tout de suite contacté le représentant de FNC à Gularia et pris rendez-vous pour l’après-midi.
Je n’ai passé que quelques jours à Gularia, mais je n’y ai pas tellement apprécié mon séjour. En dehors de mon tournage qui s’est vraiment bien passé, je n’y ai pas trouvé les gens hyper accueillants. En dehors des étudiants, peu d’habitants de la ville parlent anglais et s’intéressent aux étrangers. Par contre le bon coté des choses, c’est que Gularia est une toute petite ville paumée en pleine campagne, et que l’on peu sans mal et très rapidement se retrouver aux milieux des champs de colza et traverser les petits villages des alentours.

Mes rencontres :

Man Bahadur Chhetri
Il est le représentant local de FNC, et aussi l’une des personnalités népalaises les plus connues en matière d’aide aux enfants victimes d’abus ; en particulier en ce qui concerne les deukis et le kamlaris.


Petite explication :
Les deukis sont des fillettes issues de familles pauvres, que leurs parents vendent à des personnes aisées, qui en font offrande aux temples. Elles deviennent alors les servantes des dieux, vivent d’offrandes faites par les fideles, ne reçoivent aucune éducation ni aucun soin et sont souvent abusées sexuellement par les prêtres hindous avant d’être renvoyées des temples lorsqu’elles atteignent la puberté. Selon les croyances locales, épouser une ancienne deuki porte malheur ; ainsi, les jeunes femmes ne trouvant ni mari ni travail, se retrouvent souvent sans autre choix que de vendre leur corps pour survivre.

Les kamlaris sont quant à elles des fillettes issues de la communauté Tharu (l’une des ethnies qui compose la population népalaise, principalement localisée dans l’ouest du pays), que leurs parents vendent comme domestiques à des familles riches. Tous les ans au mois de Janvier, durant le festival de Maghi, des milliers de familles Tharu passent des contrats oraux avec des employeurs (appelés « propriétaires ») et se séparent de leurs filles âgées généralement de 6 à 16 ans pour une somme qui avoisine généralement les 50 euros. L’année suivante, le contrat peut être reconduit ou pas. En attendant, la fillette travaille entre 15 et 18 heures par jours contre 2 repas par jour et un endroit ou dormir (parfois une simple paillasse dans un coin de la cuisine).
Durant cette année, les parents n’ont aucun contact avec leur fille, et la plupart du temps, ne savent même pas ou elle se trouve. Ainsi il arrive régulièrement que les filles soient revendues et trafiquées vers des réseaux de prostitution, le plus souvent en Inde.

Man Bahadur travaille sur ces questions depuis toujours. Grace à son acharnement et sa force d’action (malgré l’opposition de personnalités népalaises qui profitent largement de l’exploitation de ces enfants), et bien sure avec l’aide de nombreuses autres personnes, il a participé à l’élimination progressive de ces deux systèmes. Aujourd’hui au Népal, il n’existe (officiellement) plus de deukis et l’on estime le nombre de kamlaris à environ 10 000, contre 20 000 ils y seulement 4 ans.

Mon film :

Comme vous devez vous en douter, le portrait que j’ai réalisé à Gularia concernait un jeune kamlari de 15 ans, Shuriya.
Lorsque j’ai démarré ma recherche, avec Man Bahadur comme interprète, il m’a proposé de rencontrer 2 jeunes filles. La première, Tara, 14 ans, travaillait comme kamlari depuis l’âge de 8 ans. Je ne l’ai vu qu’une fois.
Lorsque l’on est arrivé dans la petite gargote où elle vivait et travaillait depuis un an, elle a paru très effrayée, n’a pas ouvert la bouche et s’est même mise à pleurer lorsque j’ai essayé d’attirer son attention. J’ai préféré partir. La rencontre a duré 20 minutes au maximum.
Je dois dire que cette rencontre avec Tara m’a bouleversé et m’a surtout déconcerté :
Pour moi, la situation des kamlaris était vraiment terrible. Esclaves vendues par leurs propres parents, fillettes victimes d’un système qui bafoue le moindre de leurs droits, les kamlaris devaient être sauvées… Mais que faire si elles ne voulaient pas être sauvées ? Et surtout comment ne pouvaient-elles pas le vouloir ?
Man Bahadur m’a alors expliqué que beaucoup de kamlaris refusent d’entrer en contact avec les associations, de peur de se voir maltraiter par leur propriétaire, ou encore de devoir rentrer chez elles, où parfois elles ne sont pas les bienvenues, leurs parents ayant de nombreux enfants à nourrir et peu, voir pas de revenus…

Ma rencontre avec Shuriya m’a permit de mieux comprendre la situation.


Vendue pour la première fois par ses parents à l’âge de 10 ans, Shuriya a été renvoyée dans sa famille au terme de son premier contrat. Ses parents n’ayant pas les moyens de la nourrir correctement, et encore moins de l’envoyer à l’école, elle a choisit de repartir pour se donner de meilleures chances de quitter son village natal et de mener une meilleure vie. Apres quelques expériences malheureuses (maltraitance et abus sexuels) elle a finit par se retrouver dans une maison de femmes (tous les hommes du foyer vivant à l’extérieur) où elle occupe ses journées entre diverses taches ménagères et un travail de serveuse (la famille tient une petite gargote en ville). Shuriya est logée et nourrie, bien mieux que si elle vivait avec ses parents, elle garde pour elle le « salaire » qui, selon la tradition, devrait revenir à ses parents (environ 60 euros par an). Elle rêve d’intégrer la police locale, tout en sachant que sans aucune éducation (elle n’a jamais dépassé le cours élémentaire), c’est pratiquement impossible.
Et puis de toutes les façons, elle va se marier dans quelques mois à un homme de 21 qui vit et travaille en Inde. Elle l’a déjà vu en photo et il a un physique plutôt pas trop mal. Shuriya se considère comme chanceuse. Il reviendra au Népal pour le mariage puis elle s’installera dans sa famille avant qu’il ne reparte en Inde. Le quotidien de Shuriya ne sera pas bouleversé… Elle fera le même travail dans une autre maison, pour une belle mère plutôt que pour une propriétaire. Mais Shuriya est heureuse, elle ne rentrera pas au village…

Bhairahawa


Avant de rentrer à Kathmandu, j’ai choisit de faire une halte à Bhairahawa, dans le sud du pays, à quelques kilomètres seulement de la frontière indienne. J’avais pris contact avec une ONC locale du nom de Namuna, dans l’intention de traiter pour mon film la question de la grossesse au Népal.
Lorsque je suis arrivée dans cette petite bourgade aride et froide, j’ai tout de suite été prise en charge par les responsables de Namuna.
Ils m’ont accueillie comme une invitée de marque et m’on tout de suite accordé leur soutien en ce qui concernait la réalisation de mon projet.
Grace à eu j’ai pu passer du temps à Bhoreva, un village de 500 foyers, à 10 km du centre ville, où j’ai rencontré Sita, la femme de mon portrait.

Mes rencontres :

Dinesh et Gyanu Poudial
Je ne connais pas bien l’histoire de ce couple de travailleurs humanitaire, fondateurs et responsables de Namuna, association népalaise pour les droits des femmes.
Une chose pourtant est sure, Gyanu et Dinesh forment un couple hors du commun au Népal… Respect, confiance et compréhension mutuelle émanent de leur couple engagé dans une action commune, et ce sans aucune rivalité.
Dinesh soutient sa présidente de femme comme aucun autre membre de l’association (ce qui parait normal dans une conception du monde occidental, mais qui reste extrêmement rare au Népal, où la majorité des hommes considèrent que la place de leur femme est à la maison) et se plie même à ses directives.
Quoiqu’il en soit ils m’on rapidement séduite, autant par leurs personnalités que par leur efficacité professionnelle, et nous avons rapidement développé une relation amicale.
Avant que je ne quitte Bhairahawa, ils m’ont même proposé de venir dormir chez eux plutôt que de dépenser mes sous dans un hôtel !!!

Geeta
Pour m’aider dans mon travail, Gyanu m’a confiée à Geeta, une travailleuse sociale de Namuna, 42 ans, qui ne parlait pas anglais (c’est du moins ce qu’elle m’a fait croire lors de notre première rencontre).


Comme une vrai mère poule, Geeta venait tous les matins me chercher à mon hôtel pour m’accompagner à Bhoreva, négocier les tarifs des rickshaws et m’aider sur le tournage (en refusant inlassablement de me laisser porter mon sac, en éloignant les enfants chahuteurs ou en tapant la discute avec les villageois pour m’aider à me faire oublier – pas toujours évident avec une camera !!). Bref, une vraie perle cette Geeta !! Et puis en fait, j’ai découvert qu’elle comprenait tout a fait l’anglais lorsque je parlais lentement et que j’utilisait des mots simples, et j’ai appris à mon tour à la décoder. Bien sure on n’a jamais eu de grandes conversations philosophiques, mais c’est aussi parfois bien de n’exprimer que le nécessaire et de faire une petite place au silence !!

Prabbhat
Lors de ma première visite à Bhoreva, j’ai rencontré Prabbhat, 19 ans, fils d’une famille de notables du village et le meilleur anglophone aux alentours !!
Dès le début, il a paru très intéressé par mon projet et s’est proposé de me servir de traducteur (à Bhoreva, la majorité des habitants ne parlent que le dialecte Tharu. Quelques-uns parlent népalais, mais pratiquement personne de parle anglais…).
Geeta parlait bien tharu et népalais, mais son anglais ne suffisait pas à la traduction d’une interview de Sita ; cependant j’ai préférée travailler avec 2 interprètes (Geeta et un autre employé de Namuna) plutôt qu’avec Prabbhat qui était le voisin de Sita, et qui plus est un jeune homme de 19 ans (pas foncement au fait des histoires de grossesse)…
Malgré tout, j’ai pas mal discuté avec lui et j’ai été surprise de le découvrir aussi éduqué et ouvert d’esprit, connaissant le village d’où il venait. Il a d’ailleurs prévu de partir étudier à Chypre cette année (un effort financier majeur pour sa famille) et j’espère bien qu’il viendra faire un tour à Paris !! J’adorais observer les réactions des étrangers en visite pour la première fois en occident… Ils sont probablement aussi surpris que moi depuis que j’ai commencé mon petit tour d’Asie !!

Mon film :

Il faut savoir qu’au Népal, une grossesse suivie dans un hôpital gouvernemental coute plus chère que les revenus moyens d’une famille, du coup, 80% des femmes vivant à la campagne ne peuvent pas se permettre d’accoucher, ou même d’avorter, dans des conditions décentes.
Avant la légalisation de l’avortement, en 2002, le pays connaissait l’un des taux les plus élevés de mortalité maternelle dans le monde : 1500 décès pour 100 000 naissances (contre 740 décès de femmes enceintes pour 100 000 naissances en 2006).
Les causes de ces décès relevaient pour beaucoup des conséquences d’avortements pratiqués illégalement par des moyens plus que barbares Les méthodes employées comprenaient l'ingestion orale de teintures chimiques et de médicaments à base de plantes, et l'insertion dans le col de l'utérus des substances étrangères comme du mercure, des morceaux de verre tranchants, ou des bouts de bois enduits de mélanges d'herbes ou de la bouse de vache.
Aujourd’hui les femmes n’encourent plus de peines de prison pour un avortement, mais les contraintes financières d’une grossesse, interrompue ou pas, les obligent à continuer de vivre leurs grossesses sans aucun soin légal.
Ainsi comme la plupart des femmes de Bhoreva, Sita, mère de 3 garçons, a vécu ses accouchements au village, 2 fois sur 3 sans même l’aide d’une sage femme.

A travers son portrait, j’ai pu entrevoir les conditions de vie des femmes du Népal rural…
Mariée jeune à un homme pauvre, Sita n’a pas eu accès à une éducation scolaire. Elle partage son temps entre les travaux ménagers et ceux des champs. Le terrain de son mari suffisant à peine pour nourrir leur famille, ils n’ont aucun revenu financier, si ce n’est lorsque Ram travaille à la journée pour d’autres agriculteurs. C’est d’ailleurs ce qui a poussé Sita, avec l’accord de son mari et de sa belle mère, à interrompre sa 4eme grossesse. Grâce à Namuna, l’association de Gyanu, elle a pu avorter dans un dispensaire (qui fqcture bien moins chere qu’un hopital) apres avoir tout de même emprunté de l’argent à une voisine. Je suis passée dans ce dispensaire, on ne m’a pas autorisé l’acces à la salle de soins, mais on m’a tout de même expliqué la procédure : lorsqu’une femme arrive avec le désir d’avorter, elle est reçue par une conseillère qui l’interroge pendant 10 minutes sur les conditions de sa grossesse et ses revenus. Une fois réglés les frais de l’opération (1300 roupies népalaises – 13 euros – pour Sita), la femme entre en salle de soin, subie son opération, puis bénéficie de 30 minutes pour se remettre en salle de repos. Alors elle peut rentrer chez elle.
Lorsque Sita est rentrée chez elle après son avortement, et comme le veut la tradition hindoue lorsqu’une femme accouche ou lorsqu’elle a ses règles, Sita s’est retiré à l’écart. Tout ce sang faisant d’elle une impure, elle n’a pu ni manger, ni dormir avec le reste du foyer. Sa belle-mère ayant prit le relais en ce qui concernait la préparation des repas.
Quand j’ai interrogée Sita sur cette coutume, elle m’a répondu qu’elle ne la considérait pas comme une discrimination… Que pendant cette période elle était sale, et qu’elle préférait, de ce fait, rester à l’écart.
Il est vrai qu’à Bhoreva, l’hygiène n’est pas une évidence.
Là-bas, pas d’eau courante ni d’électricité. Les femmes font la vaisselle avec de la boue, et tout le monde fait ses besoins dans les champs (j’ai entendu dire que certaines femmes ne mangent pas pendant la journée pour ne pas avoir à subir la honte d’être découvertes accroupies derrière un buisson). Le village ne compte qu’une boutique et je doute qu’elle vende des serviettes hygiéniques ou même du papier toilette… Pas facile d’être une femme dans ces conditions !

Kathmandu bis


Une fois terminé mon tournage à Bhairahawa, j’ai repris un bus pour Kathmandu (un bus de luxe cette fois : 32 sièges confortables et pas d’arrêt toutes les 5 minutes !!)
Malheureusement, en arrivant sur la capitale, une manifestation populaire avait engendré un blocage des routes et j’ai du descendre du bus 10 km avant ma destination (Une seulle route permet d’entrer et de sortir de la ville). Apres 2 heures de marche j’ai pu contacter John qui a envoyé son frère me chercher à moto.
Durant ce second séjour à Kathmandu, j’ai logé dans la maison de John. Sarita recevait de la famille de Singapour et chez elle, toutes les chambres étaient occupées.
Dans cette nouvelle maison de la banlieue ouest, j’ai vécu une dizaine de jours avec John et son petit frère James, Mama (un jeune bouddhiste originaire du même village que mon hôte) et Manu, une fille dont je n’ai jamais vraiment compris les liens avec le reste des habitants de la maison qui était traitée à égalité avec les autres (comprendre que ce n’était pas une fille à tout faire dans la maison, même si la plupart du temps c’est quand même elle qui s’occupait des taches ménagères). En plus de ces habitants réguliers, la maison accueillait des gens de passage, des amis ou des habitants de Barpak, le village de la famille de John ; et durant mon séjour elle a même accueillie son propriétaire, Dane Ghale, l’oncle de John et son ancien collègue, le Major David.

Mes rencontres :


J’avais déjà croise James lorsque j’étais chez Sarita, mais j’ai vraiment commencé à le connaître en vivant avec lui. Il est tout l’opposé de son frère ainé… A 19 ans, il est déjà ancien toxicomane (l’héroïne, appelée « brown sugar », semble faire de vrais ravages au Népal). Blagueur et glandeur, il cherche encore sa voie, et tente, tant bien que mal, de suivre les conseils avisés (et surtout inspirés !!) de John.

Uncles
Dane Ghale s’est engagé dans l’armée britannique dans le régiment gurka, tout comme son père et son grand-père l’avait fait avant lui. Lorsqu’il a pris sa retraite de l’armée, après plus de 15 ans de service, il a obtenu le droit de s’installer en Grande Bretagne avec sa famille. Il vit depuis dans la banlieue de Londres en attendant de pouvoir revenir s’installer définitivement, lorsque ses filles pourront s’assumer, dans son village natal.
Il possède quelques propriétés à Kathmandu et à Barpak et vient presque tous les ans se ressourcer au Népal.
Cette fois, il avait amené avec lui son ancien « sahib », le major David, lui aussi militaire de père en fils depuis des générations, et recyclé depuis sa retraite de l’armée dans l’ingénierie civile. Tous les deux avaient le projet d’étudier la construction éventuelle d’une route jusqu’à Barpak (accessible aujourd’hui au prix d’une journée de marche).
J’avais hâte de rencontrer le major. Je savais par John qu’il était né dans le Penjab indien avant l’Independence, et je voulais savoir ce qu’il se rappelait de cette période incroyable de l’histoire de l’Inde…
Du coup j’ai été bien déçue quand je l’ai rencontré, de trouver en lui un vieux colonialiste, raciste, hautain et qui plus est, psychorigide et radoteur (je n’imaginais pas ce que pouvait être un militaire de carrière et de famille, qui plus est britannique !!)
Pour exemple, il appelait les népalais (et même ses hôtes) « ces gens là.. » et trouvait anormal qu’à mon âge je sois là à courir le monde plutôt que d’être mariée avec 3 enfants (il a même sous-entendu que j’étais déjà presque trop vieille pour en avoir !!)
Autant vous dire que la conversation avec lui était un vrai calvaire et que je faisais tout pour l’éviter!!!

Quoiqu’il en soit, ces quelques jours à Kathmandu sont passés très vite, j’en ai profité pour m’occuper de mon visa indien et tourner mes dernières images du Népal. J’ai fini par prendre un bus direct pour New Delhi (46 heures, mon plus long trajet de bus !).


Je garde du Népal un souvenir très attachant… Bien sure je regrette, dans ce pays de montagnes, de n’avoir même pas approché l’Himalaya ; mais mon itinéraire dans les plaines du Terai m’a permit de sortir des sentiers touristiques et de découvrir un tout autre Népal que ce à quoi je m’attendais.
Dans la globalité, j’ai trouvé que les népalais était des gens honnêtes et tolérants. Par contre j’ai été choquée par le fait que tout le monde, quelque soit la classe sociale, souhaite quitter le pays pour émigrer à l’étranger. La situation politique instable (le Népal n’est une république démocratique que depuis 6 mois) du pays, la corruption (je me suis fait arrêter à moto avec James qui conduisait sans permis, 200 roupies ont suffi pour calmer le policier zélé) et la pauvreté semblent être venues à bout même des esprits les plus citoyens…

dimanche 2 novembre 2008

De retour en chine, sur mes propres traces… et celles des autres

Le “welcome back”

On prend les mêmes et on recommence : comme l’hiver dernier, mon blog ne m’était pas accessible durant ces 2 derniers mois. L’œil de Pékin veille toujours et la censure perdure sur le net chinois (comme sur tous les autres réseaux de communication d’ailleurs !!).
Donc c’est depuis le Népal, où je suis arrivée hier, que je rédige ce post.
Cependant pour une meilleure compréhension du lecteur, je vais tout reprendre dans l’ordre chronologique.

Attention !! Ménagez vos mirettes et mettez vos lunettes : 8 semaines de crapahutage en Chine, ça fait pas mal de pages (et en l’occurrence me promet de belles courbatures aux mains..). Alors vous êtes prêts ? C’est parti….

J’ai quitté Bangkok le 19 Aout sur un vol d’Air Asia, direction Shenzhen, dans la région chinoise du Guandong.
Air Asia, c’est la compagnie low cost Thai, bien connue en Asie du Sud Est pour sa fiabilité et ses tarifs défiants toute concurrence (exemple : Bangkok / Shenzhen en aller simple, 36 euros TTC !!). Alors tout ça c’est très bien, j’étais contente de mon organisation… Sauf qu’au moment d’embarquer, j’ai du payer 25 euros de surpoids, une vrai fortune (eh oui… ils n’autorisent que 15kg de bagages en soute et 5 kilos en cabine) et pour couronner le tout, 20 euros de dépassement de séjour autorisé.
Qui a dit que les français pouvaient passer 30 jours en Thaïlande sans avoir besoin de visa ? Tout le monde !! Et bien sachez-le, le séjour sans visa c’est 28 jours !! Au-delà, l’amende est de 10 euros par jour (alors que le visa de 30 jours pour les non européens coute 20 euros !!)

Enfin bref, c’est bel et bien ruinée que je suis arrivée en Chine…
Ah, j’ai faillit oublier, je n’étais pas seule… Marjolaine, une française qui m’avait hébergé à Phnom Penh 2 mois plus tôt, m’avait rejoint à Bangkok dans le but de m’accompagner pendant une 10aine de jours sur les traces des moso.

Nous voilà donc toutes les deux arrivées à Shenzhen au beau milieu de la nuit. On avait réservé une chambre dans une auberge de jeunesse, et on a sombré dans un sommeil profond à peine installées. Le lendemain la course de fond a démarrée : il nous fallait quitter Shenzhen au plus vite pour Kunming, avant de rejoindre Lijiang et enfin le lac Lugu, où je devais impérativement être au plus tard le 23 pour un tournage le 25 aout.
Sachant qu’il y a plusieurs milliers de kilomètres entre notre point de départ et notre destination, on était quand même un peu dans l’urgence…

On a donc pris un vol Shenzhen / Kunming le jour même. Arrivées à Kunming vers 18h, on a enchainé sur un bus de nuit pour Lijiang. On est arrivé tôt le matin et on a repris un bus pour Lugu Hu (7 heures de trajets qui m’on semblées interminables..).
On était à Lige le 21 au soir, sur les rotules, mais avec suffisamment de temps devant nous pour se reposer avant la grande cérémonie annuelle de la communauté moso. Parfait !! Cette fois au moins mon organisation était au point !!

Je dois préciser ici, que si j’ai intitulé ce chapitre le “welcome back”, c’est parce que ces 3 premiers jours en Chine n’ont pas été de tout repos : en plus de la fatigue accumulée du voyage express entre Bangkok et Lugu Hu, on a du faire face, Marjolaine et moi (enfin surtout moi) à quelques désagréments…

Tout d’abord, lorsqu’on a pris le bus pour quitter l’aéroport de Shenzhen, la receveuse et les passagers à qui on avait demandé notre chemin ne s’accordaient pas quant à l’arrêt auquel on devait descendre. On a choisit de faire confiance à la receveuse, et on a eu tord.. Du coup on a du prendre un taxi depuis l’arrêt de bus auquel on est descendues pour rejoindre l’hôtel, et le pauvre chauffeur a mis 2 heures pour trouver l’adresse. J’ai vraiment cru qu’on n’y arriverait jamais. Ce n’était pas bien grave, mais du coup le lendemain on a pris un taxi pour retourner à l’aéroport !!

Arrivées à Kunming, on a encore pris un taxi pour rejoindre la gare routière depuis l’aéroport. En sortant du véhicule, j’ai bousculé (et encore, c’est là un bien grand mot, le terme correcte serait plutôt « frôlé ») par mégarde un type qui voulait passer avec une moto hyper chargée entre le taxi stationné et le trottoir. Le type à basculé avec sa mobylette du fait du poids de sa charge et s’est retrouvé étalé par terre. Il s’est relevé, a ramassé un bout de plastique qui avait sauté de son guidon, m’a montré son bas de pantalon couvert de poussière et a commencé à hurler !! Il m’a agrippé le bras et a décidé de ne plus me lâcher…
Un attroupement a commencé à se former alors que Marjolaine déchargeait le coffre avec le chauffeur du taxi. J’ai pris le petit bout de plastique des mains du type pour le remettre en place (il était juste déboité) mais il l’a sorti de son emplacement, en hurlant encore plus fort et en me montrant du doigt son pantalon poussiéreux.
Autour, tout le monde se marrait, même le chauffeur. Marjolaine n’en menait pas large et je dois dire que moi non plus. Le type me tenait toujours par le bras, m’empêchant de me dégager et par-dessus le marché, me postillonnait dessus.
Au bout de 10 bonnes minutes de ce cinéma, voyant que l’affaire n’allait pas évoluer, j’ai envoyé Marjolaine chercher un flic, ou quelqu’un qui puisse démêler la situation.
Entre temps le chauffeur du taxi se préparait à quitter les lieux. Me voyant ainsi abandonnée au milieu d’une foule inhospitalière (et ce n’est rien de le dire !!) et ne comprenant pas un traitre mot de ce qui se disait autour de moi, il a finalement eu un sursaut d’humanité, peut-être une once de pitié (ce dont je croyais sincèrement les chinois dépourvus..) et il est ressortit de son taxi. Il est venu vers nous (ma sangsue enragée et moi). Il a sortit un billet de 10 yuans de son portefeuille, me faisant comprendre que c’était ma seule issue. J’ai finalement pu acheter ma liberté pour un euro (de quoi payer son pressing à ma soi-disant victime). A la vue du billet, le type a enfin arrêté de hurler contre mes tympans et m’a lâché le bras. La foule avait un petit air déçu. J’ai retrouvé Marjolaine. Fin de l’histoire.

Dans le bus de nuit qui nous a menées de Kunming à Lijiang, là non plus, on n’a pas eu de chance. Notre chauffeur était littéralement fou : pendant toute la nuit, il nous a hurlé dessus, Marjolaine et moi. Voyant qu’on ne comprenait rien de ce qu’il essayait de nous dire, il pensait peut être qu’en le disant plus fort, la communication passerait mieux… C’en était au point qu’à chaque fois qu’il s’arrêtait pour la pause pipi, on avait beau dormir profondément, il ressentait le besoin de venir nous crier dans les oreilles qu’il était arrêté. Sans mentir, la première fois, j’ai cru qu’on avait eu un accident ou un truc du genre… Ça a duré tout le trajet…

Enfin, last but not least de la liste des mauvaises surprises de ces 3 premiers jours au pays du soleil levant, lorsque nous somme arrivées à Lugu Hu, j’ai découvert que mes 2 meilleurs amis dans la région, Naji et A-Shin, n’étaient pas à Lige et ne rentreraient pas avant un bout de temps. Je sais bien que j’étais venu pour bosser, mais le fait de les revoir après 6 mois d’absence faisait partie du plaisir…


Lugu Hu


Un couple de français que j’avais rencontré à Lige l’hiver précédant m’avait dit qu’en voyage, il ne fallait jamais revenir sur ses pas, que c’était toujours décevant.
J’ai commencé par croire qu’ils avaient raison. Heureusement la suite du séjour m’a permit de revenir sur cette idée. C’est vrai qu’en revenant sur un lieu qu’on a déjà connu en voyage, il ne faut pas s’attendre à revivre la même expérience. Même dans un petit village comme celui-ci et à seulement 6 mois de différence, les choses changent.
En une demi-année, Lige s’est transformé : deux fois plus de bâtiments (en grande majorité de nouvelles infrastructures pour accueillir les touristes), des nouvelles têtes (eux aussi arrivés pour accueillir les touristes), une autre ambiance…

En plus, du fait de l’absence de Naji, je n’ai pas osé m’installer chez sa mère. Du coup j’ai passé tout mon séjour dans une auberge de jeunesse. D’abord avec Marjolaine, et puis une semaine plus tard, lorsqu’elle est repartie pour Phnom Penh, toute seule ; ce qui en réalité n’a pas été tout à fait pour me déplaire. Après tout ce temps passé en couchsurfing, j’étais contente de retrouver un peu d’intimité.

Mes rencontres

Du fait de l’absence de Naji et A-Shin, mon emploi du temps s’est trouvé beaucoup moins chargé que lors de mon dernier passage… J’ai pu faire des siestes, regarder des films sur mon ordi, bouquiner et glander tranquillement. J’ai quand même été faire un tour dans les villages alentours : Laoshui, Xiao Laoshui, Yongning et Baiju. C’était calme, rien à voir avec la beuverie continuelle de l’hiver passé, c’était sympa. Je crois que Marjolaine a apprécié ses quelques jours de vacances malgré la météo (pendant son séjour et même après, il a plu presque tous les jours).

Elle a sympathisé avec Erche Lamu, la fille qui m’avait invité à un anniversaire l’hiver précédent (le fameux anniversaire moso, dont vous vous souvenez peut-être du fait de la bagarre qui avait suivi – sinon, reportez-vous au post concernant mon premier séjour en Chine - je précise que depuis, Erche a changé de petit ami !!).

Quant à moi j’ai eu le plaisir de me rendre compte que personne au village ne m’avait oublié… Malheureusement le fait de ne plus avoir d’interprète à considérablement limité les échanges !! Mais du coup je me suis remise, un peu forcée, au mandarin, et j’ai bien plus progressé ces dernières semaines que durant les 3 mois qu’avait duré mon premier séjour !!

J’ai quand même revu Siobhan et son mari Peter, les anthropologues américains que j’avais rencontré à Laoshui 6 mois plus tôt. J’ai passé pas mal de temps avec eux, au programme : barbecue, ballades et interviews (cette fois c’est Siobhan, qui parle couramment chinois, qui m’a servie d’interprète…). Je les ai trouvé bien moins enthousiastes au sujet des moso que lors de notre première rencontre… Probablement que 9 mois passés à partager la vie des populations du lac, dans différents villages, ça fait beaucoup...

Mes coups durs

Rien de particulier à raconter dans cette rubrique, si ce n’est un gros rhume avec forte fièvre qui m’a inquiété plus que de mesure, étant donné qu’il est survenu exactement 2 semaines après mon passage à Pai, dans le nord de la Thaïlande, où je m’étais fait dévoré par les moustiques alors que le palu. sévit sévèrement dans la région et qu’on m’avait justement prévenu que le temps d’incubation de la maladie était d’environ 2 semaines… Bref, des frayeurs inutiles, et des heures passées sur le net à chercher le descriptif des symptômes de la malaria (et leurs conséquences, d’où les grosses frayeurs !!).

Mon film


Concernant mon tournage, j’avoue que j’ai été un peu déçue. Le festival du tour de la montagne, que j’attendais depuis 6 mois s’est révélé être bien moins authentique que ce à quoi je m’attendais. Censé être la réunion annuelle des 40 000 moso du Lac Hugu, cette fête relève bien plus en réalité d’un pic-nic géant que d’une cérémonie religieuse.


Et peut-être que cette année, la pluie a découragé les moins motivés, mais il y avait bien loin de 40 000 personnes présentes. Quelques milliers tout au plus, dont pas mal de touristes !! Enfin bref, c’est toujours bon à prendre pour mon film sur les moso… et puis le bon côté de cette fête, c’est qu’on y a été, Marjolaine et moi, avec la mère de Naji et sa famille. On a ensuite enchainé sur une soirée chez le frère de Naji (qui vit dans la famille de sa compagne, dans un autre village). Une bonne immersion en pays moso !!


Xichang



J’ai quitté le lac un lundi après-midi, après avoir attendue un bus sur le bord du chemin pendant 3 bonnes heures. Contrairement aux fois précédentes, j’ai emprunté la route qui part vers le Sichuan, plutôt que celle qui mène à Lijiang, dans le Yunnan. Une trajectoire beaucoup moins fréquentée (j’ai vite compris pourquoi quand j’ai vu l’état de la chaussée !) et néanmoins très pratique pour rejoindre le nord du pays.
Si les 8 heures de trajet n’ont pas été des plus confortables, je dois admettre que je ne regrette en rien d’avoir choisit cette voie. Car c’est dans ce bus que j’ai pu assister à l’un des évènements les plus surprenants de mon séjour en Chine (voire même de mon existence !).
Apres avoir apprécié à sa juste valeur (pour les autres) le décapsuleur dentaire, que je pense avoir déjà évoqué sur ce blog (technique qui consiste à décapsuler une bouteille de bière avec les dents), je suis fière d’attester que j’ai été témoin (et que je suis toujours en vie) d’un changement de chauffeur dans un bus lancé à pleine vitesse sur une route de montagne. Je n’ai aucune idée de la raison qui a poussé les 2 chauffeurs à se relayer sans prendre le temps de s’arrêter sur le bord de la route… Peut-être le retard accumulé, ou peut-être une occasion de faire monter l’adrénaline des passagers à moitié endormis…
Quoi qu’il en soit je me permets de reprendre tout en corrigeant quelque peu la célèbre réplique du César de René Goscinny : « Ils sont fous ces chinois !! ».

Contre toute attente, je suis arrivée à Xichang, petite ville du Sichuan vers 21h00, avec l’intention de prendre un train pour Chengdu le soir même. J’avais consulté les horaires des trains et c’était parfaitement jouable. Seulement arrivée au guichet, je me suis fait rembarrer par la dame en uniforme. J’ai mis un certain temps à comprendre que ce n’était pas à cause de mon accent (!!!) mais qu’en réalité tous les départs prévus pour la nuit avaient été annulés.
J’ai donc passé une nuit à Xichang. Et aussi toute une journée, vu que le premier train pour Chengdu ne partait pas avant le soir.
Pas vraiment intéressant et plutôt fatiguant de trainer toute la journée en ville avec mes bagages (à 9h00 du matin le responsable de l’hôtel frappait à ma porte pour me faire dégager de la chambre..). Alors je me suis baladée et j’ai pris des photos pendant quelques heures, et puis j’ai lu dans un parc jusqu’à ce que je me fasse tremper par les arroseurs automatiques, et puis j’ai attendu, attendu, attendu…

Mes rencontres

Je suis restée à Xichang à pleine plus de 24h… Et pourtant j’y ai fait des rencontres surprenantes…


En me promenant dans les rues pour faire passer le temps en attendant le départ de mon train, je suis tombée sur le quartier des jeux d’argents. Sur des centaines de mètres, le long du canal, des petites échoppes brinquebalantes, supposées maisons de thé, réunissaient les joueurs (hommes comme femmes, et de tous les âges), autour de parties de majong, de cartes, et bien d’autres jeux dont je n’avais jusque là soupçonné l’existence. Des dizaines d’échoppes, des milliers de joueurs et probablement bien plus de billets passaient de mains en mains dans cette rue.
Il faut savoir que les jeux d’argent et les paris sont interdit en Chine depuis bien longtemps… Et pourtant je n’ai vu nulle part ailleurs un tel attrait des populations, toutes classes sociales confondues, pour les jeux de toutes sortes, à condition qu’on puisse y gagner (et y perdre !!) de l’argent.

Alors que je m’étais posée à l’ombre des hauts murs d’une usine désaffectée pour bouquiner, attendant toujours le départ de ce foutu train, je me suis fait accoster par une bande de gamins touts juste sortis de l’école. Au début ils étaient peu nombreux, peut-être 5 ou 6 et se sont arrêté à une dizaine de mètres pour m’observer, jusqu’à ce que l’un d’eux ait le courage de venir m’accoster par un petit « hello, good morning » timide mais vaillant. Chacun leur tour ils sont ensuite venu me montrer qu’ils connaissaient deux mots d’anglais. Et puis d’autres enfants sont arrivés, et puis d’autres, et encore plus.
Au bout d’un moment, c’est toute l’école qui m’entourait, chacun voulant que je lui adresse la parole et que je note un petit mot en anglais sur son cahier. C’était comme d’être une star de cinéma signant des autographes. Les gamins surexcités se hurlaient dessus et se bousculaient autour de moi, ne me laissant pas une seconde de répit.
J’en ai vite eu ras-le-bol mais mes petits fans ne voulaient plus me lâcher…
J’ai du finalement leur faire croire que je devais aller prendre le train et m’engouffrer dans la gare pour qu’ils se décident à rentrer chez eux. Une fois le terrain libre, je suis ressortie de la gare dans l’intention d’aller manger un bout dans un petit resto aux alentour. Seulement je ne savais pas que certains des gamins que j’avais rencontrés plus tôt trainaient encore dans le coin… Heureusement cette fois ils étaient moins nombreux, et la patronne du resto les a empêcher de m’embêter pendant que je mangeais. Ils ont donc gardé leurs distances, jusqu’à ce que j’aie fini mon assiette !!! Ensuite ils sont revenu avec chacun un petit cadeau à mon intention (un mini carnet, un cahier ou encore un stylo..). J’avoue que j’ai bien regretté de n’avoir rien à leur donner en retour…

Mes coups durs

En plus de l’histoire du départ de train annulé, j’ai rencontré quelques soucis à trouver un hôtel. Non qu’il n’y ait pas eu dans le coin, au contraire… Il y en avait 4 ou 5 !!!
Mais du fait de l’annulation de tous les trains prévus pour la nuit, les passagers pris de cours se sont rués sur les chambres des hôtels alentours. Moi y compris ; seulement tous les hôtels affichaient complet, sauf un… et manque de bol pour moi, dans celui-là, le gérant refusait de prendre des étrangers.
En effet depuis les Jeux Olympiques, les hôteliers ont pour obligation de faire remplir à leurs clients étrangers un formulaire spécial, à déposer au poste de police le plus proche.
Le gérant de cet hôtel ayant probablement la flemme de faire ces démarches (et sachant que de toutes façons son hôtel afficherait complet ce soir là, avec, ou sans moi), refusait tout simplement de me donner une chambre !!!
Je me voyais déjà passer la nuit dans la salle d’attente de la gare lorsque mes sauveurs sont arrivés… Un couple de jeune gens qui parlaient un tout petit peu anglais et qui, comprenant mon dilemme, ont proposé au gérant de l’hôtel de me donner un chambre enregistrée à leur nom (ce qui évitait au monsieur paresseux d’avoir à déclarer ma présence au poste de police). Il a finit pas accepter ; et j’ai pu finir la nuit dans un lit.

Chengdu


Je suis arrivée à Chengdu après une nuit de train (ma première en Chine !!!) plutôt reposante. J’avais réservé une couchette « hard sleeper », très confortable malgré la petite hauteur sous plafond.


A peine arrivée dans la capitale du Sichuan, j’ai été accueillie par un américain du nom de Walter. Il m’a gentiment offert sa chambre d’amis, un bouquin de Dostoïevski (j’étais alors gravement en rade de lecture) et une carte de la ville.

Un bon prétexte pour aller me balader dans cette petite ville de seulement 2 millions d’habitants (quasiment rien à l’échelle chinoise !!!). Et c’est peut-être parce que je logeais à 2 pas de l’université, mais j’ai beaucoup apprécié l’ambiance détendue de la ville, et le dynamisme de ses habitants.
J’ai eu l’impression de traverser une citée à la fois moderne et authentique. Apparemment je ne suis pas la seule à l’avoir appréciée puisque Chengdu a été récemment classée 4ème ville chinoise la plus agréable à vivre par le China Daily.

J’ai profité de la petite semaine que j’y ai passé pour aller rencontrer les derniers pandas géants (espèce endémique et en voie de disparition) de la planète.


Mes rencontres

Alors tout d’abord, j’ai rencontré Walter.
Gentil, serviable et discret. Evidemment (comme les ¾ des étrangers expatriés en Chine) il est prof d’anglais. Mais son originalité réside dans le fait qu’il s’est beaucoup investit dans l’action humanitaire, en particulier après le tremblement de terre du 12 mai 2008 qui a fait 70 000 morts et près de 400 000 blessés, sans parler du nombre de sinistrés…
Tous les week-ends depuis le mois de juillet, il part avec d’autres volontaires à Beichuan (l’épicentre du séisme, où tout a été systématiquement détruit) et aide à déblayer, nettoyer, reconstruire… Et le plus étonnant dans tout ça, c’est qu’il est obligé de se faire passer pour un chinois (heureusement il est à moitié japonais et parle parfaitement le mandarin) puisque les étrangers ne sont pas autorisés sur cette zone sinistrée ou parait-il, des ogives nucléaires fabriquées dans des laboratoires atomiques secrets sont encore ensevelies sous les décombres…

Quoi qu’il en soit, j’ai bien accroché avec Walter qui m’a fait suffisamment confiance pour me laisser son appart pendant 3 jours alors qu’il était à Beichuan, mais aussi pour me présenter ses amis…

Parmi eux, celle avec qui je me suis vraiment bien entendue : Xiaoyu !!
Une fille hors du commun, issue d’une vieille famille de Chengdu, étudiante en dernière année de droit et propriétaire d’une boutique de fringues à la mode.
Un niveau de vie largement au dessus de la moyenne, des amis à la fois chinois et étrangers, une bonne culture cinématographique et musicale, une pêche d’enfer et une grande ouverture d’esprit : bref, une nana bien cool !!!


Avec elle j’ai découvert la ville de nuit.
Plusieurs fois nous avons fait ensemble la tournée des grands ducs, passant d’un bar à un autre pour finir dans des boites de nuit électro plus déjantées les unes que les autres…
J’ai d’ailleurs trouvé la vie nocturne de Chengdu plus grouillante et diversifiée que celle des grandes villes chinoises…

Lors d’une de ces folles soirées, j’ai sympathisé avec Harry, un ami de Walter.
22 ans, né à Chengdu et n’ayant pratiquement jamais quitté le Sichuan, Harry m’a beaucoup étonné, d’abord par la qualité de son anglais : Un accent irréprochable, un vocabulaire largement supérieur au mien, une connaissance du système politique et de l’actualité américaine bien au-delà du commun des mortel (et je crois même, au-delà du commun des américains…) et tout ça sans avoir fait d’études supérieures !!
J’ai appris plus tard qu’Harry était fan des shows politiques télévisés américains que Walter lui refilait en masse après les avoir téléchargé… Mais tout de même !!!

Et puis à Chengdu j’ai rencontré encore beaucoup d’autres personnes sympas ; des expat. néerlandais, irlandais, australiens et des couchsurfeurs des 4 coins du monde :
- Robbie, le canadien écolo
- Marco, le designer portugais qui m’a proposé une collaboration
- Nick, le journaliste anglais qui venait tout juste d’écrire un article sur les lesbiennes en Inde et qui m’a filé plein de contacts
- Lisa, l’islandaise dont je ne connais pas la profession mais qui était bien embêtée par la banqueroute de sa banque !!!

Mes coups durs

J’ai vraiment passé de bons moments à Chengdu si ce n’est ce qui concerne mes différentes tentatives de renouvellement de visa...
N’ayant obtenu qu’une autorisation de 30 jours à Bangkok, je me suis d’abord adressée au PSB (Public Security Bureau) de Chengdu, qui me demandait, en dehors des formalités habituelles, la preuve que je disposait de 3000 dollars sur mon compte en banque et un formulaire signé par le poste de police, stipulant que j’étais hébergée chez un résidant chinois.
Walter m’a donné un coup de main en usurpant l’identité de son propriétaire pour remplir le formulaire et je ne compte pas le nombre d’aller-retour que j’ai du effectuer entre son appartement et le poste de police du quartier.

Finalement, les délais de délivrance du visa étant de 5 jours ouvrables (une semaine en fait !!) j’ai décidé sur les conseils de mon hôte d’aller faire une demande à Leshan, à 3 heures de route de Chengdu. Seulement lorsque je suis arrivée au PSB de là bas, l’officier en charge m’a gentiment mais fermement éconduite, sous prétexte qu’il me restait encore 10 jours de validité sur mon premier visa (alors qu’à Chengdu ça ne posait pas de problème)…

Du coup j’ai décidée de laisser tomber, de rentrer à Chengdu et de retenter ma chance lors de mon séjour à Xining.


Xining


Capitale du Qinghai, Xining est selon moi une ville d’intérêt moyen. Je ne m’y suis arrêtée que pour faire renouveler mon visa, ce qu’heureusement, cette fois, je suis parvenue à faire, et ce, en seulement 2 jours…
Le principal (si ce n’est le seul..) attrait de Xining réside en fait dans la composition de sa population : environ 37 groupes ethniques se mêlent ici, dont une majorité (évidemment !) des Han, mais aussi des Hui (musulmans) et de tibétains (bouddhistes).
Et se balader d’un quartier à un autre de la ville donne l’impression de voyager au-delà des frontières chinoises (d’une rue à l’autre, les phénotypes et les langages sont différents, comme les vêtements portés par les gens, et les spécialités culinaires mises en avant sur les marchés).

J’ai profité de l’attente de mon visa pour sortir de la ville et aller visiter le monastère bouddhiste de Ta’er Si, édifié en 1560 sur le site de naissance de Tsongkhapa, le fondateur de la secte des bonnets jaunes (immensément majoritaire actuellement parmi les différents courants bouddhistes tibétains et dont est issu l’actuel Dalaï-lama).
Le site est impressionnant par sa taille et son organisation mais j’ai trouvé les moines bien moins sympathiques que ceux que j’avais pu fréquenter à Dharamsala (ville du nord de l’Inde, dans l’Himachal Pradesh, où sont réfugiés le gouvernement tibétain en exil ainsi que le 14ème Dalaï-lama et quelques 10aines de milliers de tibétains).


De retour à Xining j’ai aussi visité la mosquée de Dongguan, l’une des plus grandes du nord de la Chine.

Xinjiang

J’ai quitté Xining en bus pour Lanzhou, où j’ai embarqué dans un train direction Urumqi, dans la région du Xinjiang. Vingt-et-une heures de trajet le long de la route de la soie à travers le désert du Taklamakan….



L’occasion d’admirer des paysages fabuleux, vraiment surprenants par leur diversité !!!



Je pense qu’il est temps pour moi de faire une petite parenthèse au récit pour vous introduire le Xinjiang, cette région que je rêvais tant de découvrir depuis que j’en avais aperçu des photos lors de mon premier séjour en Chine…

Allez c’est parti ; petite leçon de culture G :

Situé dans le nord-ouest de la Chine, le Xinjiang (aussi appelé Turkestan chinois) s'étend sur 1,66 million de km² (1/6ème de la superficie totale du pays !). Doté d’une frontière de 5 600 km, le Xinjiang côtoie la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Pakistan, la Mongolie, l'Inde et l'Afghanistan.
Sur le plan historique, le Xinjiang était une étape importante de la célèbre « route de la soie » (IIème siècle av JC jusqu’au XVème siècle) : ce réseau de routes commerciales entre l'Orient à l'Occident, allant de Chang'an (actuelle Xi'an) en Chine, jusqu’à Antioche, en Syrie médiévale ; et qui doit son nom à la plus précieuse marchandise qui y transitait : la soie, dont seuls les Chinois connaissaient le secret de fabrication.

Les convois de caravanes partaient de Xi'an, Lanzhou ou Xining et empruntaient le corridor du Gansu puis contournaient par le nord ou le sud le désert du Taklamakan, l'un des plus arides du monde.
À partir de Kachgar et Yarkand, les pistes rejoignaient la Perse ou l'Inde à travers les hautes montagnes de l'Asie centrale (Pamir, Hindū-Kūsh et Karakoram), puis par la Sogdiane (Samarcande, Boukhara, Merv), la Bactriane (Balkh) ou le Cachemire (Srinagar). En fait, très rares étaient ceux qui parcoururent l'intégralité du trajet ; mais Marco Polo, son père et son oncle furent de ceux-ci….


L’histoire a donc fait de cette région un véritable carrefour économique et commercial, mais aussi culturel ; et aujourd’hui, du point de vue démographique, outre les Han, le Xinjiang compte officiellement une vingtaine de groupes ethniques différents.

La région arrive donc en deuxième position, juste derrière le Yunnan en termes de nationalités reconnues par l’Etat chinois. Cependant, certains de ces groupes sont numériquement très faibles, et représentent à peine quelques dizaines de milliers voire quelques milliers de personnes comme les Tadjiks, les Xibes, les Mandchous, les Ouzbeks, les Russes, les Daurs ou les Tatars.

Les populations " allogènes " principales du Xinjiang sont en fait les Ouïgours - qui représentaient en 1990 environ 47,50% de la population totale de la région autonome et se trouvent localisés principalement dans le bassin du Tarim et dans la région de Kuldja - et les Kazakhs (7,30% de la population en 1990), groupés dans les vallées de l’Altaï et de l’Ili en Djoungarie.

Ainsi la langue largement parlée dans le Xinjiang est très proche du turque. Il est d’ailleurs assez surprenant de constater que beaucoup de gens, surtout parmi les personnes âgées ne parlent pas le mandarin…

Enfin bon, revenons à nos moutons…



Je suis arrivée à Urumqi un après-midi du mois septembre et j’ai filé vers une auberge de jeunesse où j’ai pu me poser et me reposer en attendant de retrouver ma copine Naji (celle qui m’avait aidée à traduire mes interviews moso au lac Hugu 6 mois auparavant et qui entre-temps a quitté le Yunnan et s’est installée à Urumqi).
Le lendemain, je reprenais donc mes bagages pour m’installer dans l’appartement qu’elle partageait déjà avec sa colocataire.
Alors que je prévoyais de ne passer que 2 ou 3 jours à Urumqi, je me suis laisser convaincre par Naji de profiter de mes vacances pour découvrir la ville avec elle.
Depuis 3 mois qu’elle y vivait, elle n’avait pas eu vraiment le temps de trainer et de visiter. Pendant une semaine, on a donc fait les touristes…
On s’est fait beaucoup de très bons restaurants, on s’est baladé le long des marchés, on a fait le tour des parcs et des cafés ; on est même parti visiter le lac Tian Chi, à une centaine de kilomètres de là…


L’endroit s’est révélé hyper touristique et pas vraiment impressionnant (surtout pour nous qui connaissions le Lugu Hu, de loin plus surprenant par la beauté de ses eaux, comme de ses rives). Cela-dit, on est tombé sur des couples de jeunes mariés qui venaient se faire prendre en photo devant le lac, à tour de rôle, accompagnés de photographes, maquilleurs et tout le tralala, les femmes portant des basquets pour marcher sur les rochers et des robes de mariées hyper décolletées alors qu’il faisait dans les 10 degrés… J’avoue qu’on a bien rigolé !!




A Urumqi, on s’est fait des journées « beauté-santé », Naji y tenait beaucoup !
C’est que je devais avoir un air pas terrible en arrivant…
On a passé une journée entière à se faire désencrasser, masser, et pomponner dans une sorte de spa géant dont le programme consistait tout d’abord à prendre une douche dans une salle commune où l’on se faisait aussi gommer le corps et masser (des 10aines de femmes à poil trimbalaient leurs carcasses de gauche à droite dans cette immense pièce décorée de fontaines, de bassins et de jets d’eau, c’était assez surréaliste je dois dire…)
Ensuite on s’habillait d’un pyjama rose et de pantoufles pour aller déjeuner autour d’un grand buffet (auquel tout le monde était en pyjama) avant d’aller faire de l’internet, des jeux vidéo, d’aller regarder un film, faire un billard ou une sieste sur un canapé, toujours en pyjama !! J’ai trouvé le concept très chinois…



Au bout d’une semaine, j’ai abandonné Naji pour repartir à la découverte du Xinjiang.
J’ai pris un bus en direction du sud jusqu`à Khotan, une petite ville-oasis perdue au milieu du désert, et peuplée par plus de Ouïgours que de Han…
Un vrai dépaysement !!



Je me suis régalée de spécialités culinaires Ouïgoures (yaourts frais, galettes au sésame ou à l’oignon, petits pains divers et variés, brochettes d’agneau, salades de pates froides, etc, etc…) le paradis !!!!!




J’ai continué à faire la touriste en visitant une fabrique artisanale de soie de l’atlas (très réputée apparemment..) et surtout en allant me perdre le long de la rivière de Jade de Khotan, qui n’est alimentée que par la fonte des neiges au début de l’été et reste complètement sèche en hiver. Bien connue en Chine pour la richesse de son lit, elle attire les chercheurs de jade de toute la région et se révèle un vrai trésor photographique !!!


De Khotan je suis remonté vers Kashgar, à l'ouest du désert du Taklamakan et au pied des montagnes du Tian Shan.
Dernier rempart chinois avant le Pakistan et le Kirghizistan, Kashgar (en comparaison d’Urumqi) a su garder une identité ouïgoure fortement marquée ; cependant le gouvernement chinois modernise actuellement la ville et la cité ouïgoure est systématiquement détruite et remplacée par une architecture moderne. C’est bien dommage…



Kashgar est réputée dans la région pour son marché du dimanche, qui est connu pour être le plus gros marché d'Asie centrale, et où sont sensé se presser des commerçants de tous les pays alentours (Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan, Afghanistan, Pakistan et Inde).


J’ai donc été un peu déçue de constater qu’en réalité, ce marché, bien qu’assez imposant, n’attirait en fait que les habitants du Xinjiang, et n’arrivait pas à la cheville du marché de Bac Ha, dans le nord du Vietnam.

Le lundi qui a suivi le marché, je suis partie pour Korla, une ville industrielle, où je ne me suis arrêté que parce que mon guide (« emprunté » dans la bibliothèque d’une guest house de Siam Riep), datant de 2004, affirmait qu’il n’y avait pas de gare ferroviaire à Turpan (où je voulais me rendre). En réalité, depuis la parution du bouquin, une gare avait bel et bien été construite…
Quoi qu’il en soit, je n’ai rien trouvé à Korla qui vaille la peine de s’y arrêter (si ce n’est l’hôtel dans lequel j’ai passé 2 nuits, mais ça je vous en parlerai plus bas).

Donc finalement, après 2 jours de glandouille, j’ai repris le train pour Turpan, à 150 km d’Urumqi. J’y ai rencontré deux filles que le destin tenait absolument à placer sur ma route (là aussi c’est pour plus tard). On a pris une chambre d’hôtel à 3 pour économiser nos sous et visité ensemble la ville abandonnée de Jiaohe, construite pour être la capitale du royaume de Cheshi en 108 av JC, et abandonnée 13 siècles plus tard lors de l’invasion moghole menée par Genghis Khan.
En bref, une citée en ruine, bâtie à même le sable et en plein désert.


Et puis je suis repartie pour Urumqi, où Naji m’attendait avec impatience…
Ayant épuisé son quota de congés, elle n’a, cette fois, pas pu passer beaucoup de temps avec moi. Donc je ne me suis pas éternisée. Et puis mon visa arrivait à son terme et j’avais encore beaucoup de route à faire avant pouvoir quitter la chine.

Sur le chemin du retour (jusque dans le Yunnan où je devais récupérer ma caméra et mes bagages), je me suis arrêtée à Dunhuang histoire d’aller escalader quelques dunes de sable.


Et puis j’ai filé en catastrophe vers Xining pour des histoires de visa...

Je me suis ensuite posée quelques jours à Chengdu pour profiter du nouvel appartement de Xiaoyu (dans un quartier branché et très animé). Puis retour au Lugu Hu en passant par Xichang. A-Shin n’était toujours pas rentré, je ne me suis pas attardée. Trois jours après mon arrivée, je reprenais un bus pour Lijiang, directement suivit d’un bus de nuit pour Kunming, d’où j’ai finalement quitté la Chine par avion.

Mes rencontres

Je sais, vous en avez déjà en tendu parler, mais comment ne pas évoquer à nouveau ma copine Naji, cette jeune moso tellement sympa que j’en suis arrivée à la considérer comme une petite sœur. Elle a été tellement généreuse avec moi que je n’espère qu’une chose, c’est qu’elle puisse un jour venir passer quelques temps en France pour que je puisse à mon tour l’accueillir chez moi et lui faire découvrir Paris. Je sais d’ors et déjà qu’elle adorerait la ville !!!

A Urumqi, elle m’a souvent confié à ses amis pendant qu’elle travaillait. Tous se sont adorablement comportés envers moi malgré le fait que la communication entre nous était franchement limitée…


Et puis je les ai évoqué un peu plus haut : Kong Hua et sa copine, deux filles du Hubei en vacances dans le Xinjiang, que j’ai rencontré dans le train entre Korla et Turpan, avec qui j’ai passé 2 jours à faire du tourisme, que j’ai quitté en partant pour Urumqi, et que par hasard, j’ai retrouvé dans le train entre Urumqi et Donhuang !!


C’était sympa de voyager avec des chinoises (et très pratique pour commander les meilleurs plats au restaurant !!) et d’en apprendre un peu plus sur leur mode de vie.
Bon ; elles aussi, parlaient un anglais assez limité, mais avec le peu de vocabulaire chinois que j’ai fini par emmagasiner, on s’en est très bien sorties !!



Mes coups durs

Tout d’abord, une anecdote qui avec le recul, me parait assez marrante :
Dans le train entre Lanzhou et Urumqi, j’ai rencontré une femme d’une 50 aine d’année qui voyageait avec ses collègues de travail. Après 5 minutes de banalités, elle me propose de venir diner avec elle le lendemain. Surprise de rencontrer chez cette dame un tel intérêt (c’est tellement rare en Chine de se faire inviter chez quelqu’un de cette façon..), j’accepte son invitation.
Le lendemain elle me téléphone pour confirmation et propose que Naji et moi la rejoignions à son bureau pour que l’on aille ensuite prendre l’apéro chez elle et diner.
Vers 18h on arrive au rendez-vous et là, plutôt que de récupérer ses affaires pour sortir, elle nous installe dans un petit bureau et commence à nous déballer ses produits : des serviettes hygiéniques et des teintures pour les cheveux.
Elle utilise Naji comme traductrice pour me faire toute une démonstration (comme dans la pub Always) à grand renfort d’expériences ennuyeuses à mourir (du style : je verse de l’eau sur les serviettes hygiénique, la serviette X se déchire en mille morceau tandis que la serviette Y reste pratiquement sèche, etc…) Au bout d’une heure on commence à s’impatienter et là elle explique clairement à Naji qu’elle attend de moi que je lui achète son stock pour le revendre à Paris. N’importe quoi !!!
On a réussit a se tirer de là en prétextant un rendez-vous inattendu et super important.
Elle a quand même tenu à passer le voir à mon hôtel le lendemain. J’ai dis oui, sachant qu’entre-temps j’aurais déménagée chez Naji !!
Bon ok, j’avoue que c’est un petit coup dur, mais quand même, j’étais bien vexée de m’être fait avoir.

Un peu plus embêtant : pendant ces 5 semaines de pérégrinations dans le Xinjiang j’ai pas mal souffert de solitude…
N’ayant pu trouver d’hôtes couchsurfing dans la région j’ai logé dans des hôtels pas chers et donc assez pourri (sauf pendant le temps que j’ai passé chez Naji). Personne ne parlant anglais, j’ai passé mes journées à déambuler comme une âme en peine (enfin surtout les derniers jours) et j’ai commencé à déprimer.

Ainsi, lorsque je suis arrivée à Korla en pleine nuit et que je me suis fait refuser l’entrée de 3 hôtels consécutifs (la province du Xinjiang revendiquant son indépendance par rapport au gouvernement central chinois, les règles concernant les étrangers sont beaucoup plus strictes que dans le reste de la Chine et seuls quelques hôtels sont autorisés à recevoir les étrangers), j’ai commencé à péter les plombs. Il était 3 heures du matin, je venais de me taper 10 heures de trajet et j’étais crevée. Un taxi m’a finalement amené dans un hôtel tout récemment ouvert et qui acceptait les étrangers. Seulement la chambre était à 200 RMB la nuit (4 fois le prix de ce que je m’autorisais habituellement à payer pour une chambre d’hôtel). Epuisée et dégoutée, j’ai décidée d’y passer une nuit et de reprendre le train au plus tôt le lendemain. Seulement lorsque j’ai vu la chambre, le lit king size, la salle de bain rutilante, le câble ADSL qui trainait sur le bureau… J’ai réalisé que ce serait dommage de ne passer qu’une demi-nuit au paradis !!! Et comme en plus il se trouvait que je fêtais ce jour là la mi-parcours de mon voyage, j’ai décidé de fermer les yeux sur le trou dans mon budget et de rester une nuit de plus.



J’en ai profité pour faire une grasse matinée, prendre 3 douches chaudes par jour, faire de l’internet à gogo et franchement, croyez moi ou pas, ça m’a remonté le moral comme jamais je n’aurais cru que ça le ferait !!! Comme quoi, un peu de confort matériel peut combler le manque relationnel et affectif dont souffre une personne seule !!!!

Enfin dernier coup dur, et non le moindre (parce qu’il m’aura couté assez cher) ; je comptais poursuivre ma route depuis la Chine vers le Népal en passant par le Tibet, mais depuis les manifestations qui ont précédé les J.O, de nouvelles régulations restreignent la présence des étrangers dans la région (« pour leur sécurité », dixit le gouvernement).
Désormais, et pour encore probablement au moins une année, l’accès au Tibet ne se fait qu’à condition d’avoir acheté un permis d’une valeur de 200 euros, et d’être accompagné d’un guide dont les honoraires s’élèvent à environ à 400 euros.
Une somme bien au-delà de mes moyens et qui m’aura contrainte à prendre un avion depuis Kunming pour Bangkok, puis de là, à embarquer sur un autre vol pour Katmandu (plus économique - 360 euros tout de même!! - que de voler depuis la Chine vers le Népal !!).



Je dois dire que finalement j’étais assez contente de quitter la Chine.
Après y avoir passé 5 mois au total (sur 2 séjours), j’en arrive à la conclusion que ce pays n’est définitivement pas le plus facile à traverser pour un voyageur.

Bien sure, les paysages ont magnifiques et les gens (surtout ceux issus des minorités) peuvent êtres gentils, mais dans l’ensemble, ils ne sont ni particulièrement accueillants, ni particulièrement sympathiques.
Rares sont ceux qui sont prêts à faire l’effort de parler une autre langue que la leur, voire même d’essayer de vous comprendre quand vous tentez de parler chinois.
Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis fait bousculer ou hurler dans les oreilles (je crois que parfois les fonctionnaires et agents du service publique – les pires de tous les chinois – devaient croire que s’ils parlaient plus fort, je les comprendrais mieux…) ce qui n’est pas franchement pour me plaire et auquel je ne m’habituerai jamais !!

En plus, faire du tourisme Chine revient vite très cher, puisque tout les sites touristiques (artificiels comme naturels) ont un accès payant et que les tarifs appliqués sont exorbitants comparés au cout de la vie en Chine (12 euros pour avoir le droit de marcher sur les dunes de Mingsha à Dunhuang !!). Pour le voyageur à petits budget, c’est tout simplement impossible à gérer, de même que pour le chinois moyen. Du coup, seuls les plus fortunés peuvent se payer le luxe de découvrir les trésors naturels et historiques du pays.

Enfin, on parle de la Chine comme d’une grande puissance communiste mais je ne crois pas avoir déjà traversé un pays dont le système soit autant antisocial.
Les conditions de travails des salariés chinois sont terribles et leurs droits tout simplement niés. Sans aller jusqu’aux extrêmes que sont les travailleurs migrants sur qui repose en grande partie la croissance de la Chine, il me suffit pour me justifier de prendre l’exemple de Naji :
A Urumqi, elle occupe un poste de barmaid à l’hôtel Kempinski (un groupe allemand très bien implanté en Chine). Elle travaille de 19h à 5h du matin, touche 100 RMB par jour - 10 euros – et n’à droit qu’à 5 jours de repos par mois (non rémunérés).
Si elle arrive en retard au travail, son employeur lui retire 100 RMB de son salaire (200 RMB au-delà de 20 minutes de retard) ; si elle ne vient pas travailler (à moins d’être hospitalisée) le premier jour lui coute 200 RMB, le second 300 RMB, le troisième 400 RMB et au-delà elle est renvoyée.
Pourtant, elle considère ce boulot comme une véritable aubaine puisqu’il lui permet de gagner 2500 RMB par mois, soit un salaire bien supérieur au salaire moyen des ouvriers et employés dans le Xinjiang qui s’élevait en 2001 à 10 278 RMB annuels !!
Heureusement que la Chine est un pays communiste !!