Coup d'oeil sur l'Asie

lundi 21 juillet 2008

En passant par le pays Khmer


Cambodge urbain : Phnom Penh


J’ai passé la frontière entre le Laos et le Cambodge le 18 juin. Après un interminable trajet en minibus (en changeant 4 fois de véhicule, à chaque fois pour embarquer dans un bus plus pourri que le précédant…), j’ai fini par arriver à Phnom Penh, la capitale khmer.
Heureusement mon hôte couchsurfing, Marjolaine, m’attendait et j’ai pu profiter dès mon arrivée d’une bonne douche et d’une nuit de sommeil bien méritée…

Le lendemain je suis partie à la découverte de la capitale, une ville typique des pays en voie de développement, bien poussiéreuse, animée dès les premières heures du jour, et dont les artères hyper encombrée regorgent de surprises !!!
La nuit, très peu de rues sont éclairées et des rats gros comme des chats s’approprient les trottoirs jonchés d’ordures. Les gamins des rues sont partout à mendier quelques riels ou tenter de vendre leurs babioles. Les moto-dops (mototaxis), tuk-tuks, et rickshaws (qui sont en fait des cyclos) ne ratent pas une occasion de proposer aux touristes un tour des sites à visiter, mais ils restent très polis et n’insistent pas au-delà d’un « at te, aa kun » qui signifie simplement « non merci ». Peu d’entre eux parlent anglais, ils ne savent pas lire un plan et connaissent mal la ville. Il faut donc la plupart du temps étudier soi-même la carte avant d’embarquer pour pouvoir leur indiquer le trajet au fur et à mesure !
Un exercice assez compliqué au début, mais auquel on se fait rapidement.


J’avoue que j’ai négligé les visites de musées et sites touristiques officiels… Honte sur moi !! J’ai préféré faire le tour des marchés et, moins amusant, des sites non touristiques et non officiels comme le squat de Dey Krahorm et son White building (bien connus des habitants de la ville et ne figurant pourtant sur aucune carte) ou encore la grande décharge de Phnom Penh, sur laquelle vivent des milliers de familles.

Deux endroits ou la misère saute aux yeux et retourne l’estomac.
Sur la décharge en particulier, j’ai été scandalisée de voir des enfants ramasser parmi les ordures de la nourriture pourrie et tenter de l’avaler avant de la recracher tellement son gout devait être insupportable… Et puis le fait de voir les gens (qui vivent de la revente du plastique et du métal ramassé parmi les déchets) s’agglutiner derrières les camions (au risque de se faire écraser) lorsqu’ils déversent les ordures… Je crois que je n’avais jamais rien vu de pire…




A Dey Krahorm, la population (quelques centaines de familles contre des milliers il y a encore quelques années) est menacée d’expulsion (ou en cours d’expulsion pour être exacte), victime de la spéculation immobilière galopante qui ronge la capitale cambodgienne. Les quelques irréductibles qui restent sur le squat vivent dans des conditions déplorables.
Un peu mieux installé, les habitants du White building (bâtiment construit dans les années 80 par le célèbre architecte cambodgien Vann Molyvann et classé patrimoine historique) doivent eux aussi faire face aux menaces d’expulsion (et du coup payer grassement la police pour se prévenir des incendies !!). Ils doivent aussi supporter la prostitution et les trafics en tous genres qui s’opèrent, la nuit tombée, dans et autour du bâtiment. Bref, des conditions de vie pas vraiment idéales…




Mes rencontres :

J’ai passé une semaine en couchsurfing chez Marjolaine, 22 ans, stagiaire à Phnom Penh pour un période de 6 mois ; et sa colocataire polonaise Maya.
Grâce à elles j’ai découvert la vie nocturne de Phnom Penh !
Fête de la musique oblige, j’ai assisté avec les filles à plusieurs concerts de musique khmer et française (dont d’ailleurs un concert mêlant des musiques traditionnelles khmer et bretonnes : étonnant mais plutôt sympa !!).
On s’est fait ensemble des petits restos de rues (encore des nouilles et du riz frit…) mais aussi des restos un peu plus chics (et plus chers !) où enfin j’ai pu gouter à des saveurs nouvelles (à tester absolument si vous en avez l’occasion : l’amok, un vrai régal !!)
J’ai vraiment sympathisé avec elles et Marjolaine prévoit même de m’accompagner en Chine au mois d’aout. On passera une 10aine de jours ensemble dans le Yunnan puis elle repartira vers le Cambodge pendant que je continuerai ma route vers le Tibet et le Xinjiang.

Grace aux filles, je me suis introduite au sein de la communauté expatriée francophone. Beaucoup de nanas : Julie, Caroline, Gaëlle, Maude, Samia… et quelques couples. La plupart sont là pour une courte durée (3 mois à 1 un an) mais font tout de même quelques efforts pour s’intégrer (au minimum en apprenant à parler le khmer). Des gens formidable qui m’ont beaucoup appris et m’on aidé de leur mieux à comprendre la société cambodgienne et surtout à avancer dans mes recherches. C’est d’ailleurs grâce à eux que j’ai pu rencontrer Leakhena, sujet de mon premier portrait cambodgien.

Mes coups durs :

Pendant ces 3 semaines à Phnom Penh, je n’ai pas rencontré de difficultés particulières : pas de vol, d’arnaque, de chien enragé ou de massage guerrier…

Par contre j’ai pas mal souffert de solitude (alors qu’en réalité j’étais rarement seule…) Ça n’a pas été facile de me réadapter aux conditions du voyage en solo… Ricardo me manque beaucoup et je dois retrouver mes habitudes de vieille fille avant de sombrer dans la déprime !! On ne se revoit pas avant 6 mois, donc je n’ai plus qu’à prendre patience…

Sur un plan beaucoup plus pratique (et beaucoup moins grave), j’ai plus ou moins causé la perte de mes baskets (2eme paire de chaussures en 6 mois…).
Je m’explique :
Apres 3 passages sur la décharge de Phnom Penh, mes baskets ne m’inspirent plus confiance et malgré 2 lavages à grande eau et brossage effréné, je n’ose plus y mettre les pieds. Je me dois de préciser qu’elles n’ont pas seulement parcouru le gigantesque tas d’ordures de long en larges, mais qu’elles en ont carrément exploré les entrailles…
En effet, je me suis par deux fois enfoncé jusqu’aux genoux dans les immondices (déchets industriels et domestiques, nourriture avariée, serviettes hygiéniques, et j’en passe..) et j’ai pataugé dans du jus de décharge (une eau noire résultant des pluies filtrées par les ordures) pendant des heures (ne voulant pas marcher pieds nus sur la décharge).
Cela dis dans mon malheur j’ai eu de la chance : je me suis enfoncé dans les ordures, certes, mais au moins elles n’étaient pas en train de bruler !!! Car sur cette décharge, il arrive parfois que les collecteurs d’ordures s’enfoncent jusqu’à la taille dans des tas de déchets en combustion (qui paraissent pourtant complètement éteins à la surface) et en ressortent brulé au 2 ou 3eme degré…

Mon film :

Si j’ai si souvent fréquenté la décharge, ce n’est évidemment pas par pure plaisir…
C’est que la jeune femme dont j’ai fait le portrait, Leakhena, âgée de 25 ans, à grandit sur cette décharge.

Abandonnée par sa mère alors qu’elle n’avait qu’une dizaine d’années, elle a du s’occuper de ses 3 sœurs et de son frère (âgé de seulement quelques semaines) et subvenir à leurs besoins, jusqu’à ce que, quelques années plus tard, toute la fratrie soit prise en charge par PSE (Pour un Sourire d’Enfant), une OGN française bien connue à Phnom Penh.
Grace à son caractère ambitieux et sa volonté de fer, elle a réussit à se sortir de la misère et vit aujourd’hui une vie confortable. Toujours en charge de ses frères et sœurs (dont l’une est décédée, écrasée par un camion décharge), elle a aujourd’hui un fils de 4 ans dont elle partage la garde avec son ex-mari.


Un portrait éloquent, qui m’a permit de mieux comprendre le sens que prend le terme « famille » dans la société cambodgienne.


Cambodge rural : Kampong Thom



Mon séjour à Kampong Thom, à moins de 200 km de la capitale, a démarré sous de bons auspices. Accueillie par les membres du bureau local de la LICADHO, la ligue cambodgienne pour les droits de l’homme, j’ai tout de suite été mise en contact avec des femmes victimes de viol et de violences conjugales, deux types de violences envers les femmes très fréquents au Cambodge.
Ces femmes et jeunes filles vivant, pour la plupart, dans des villages isolés et n’ayant pas de moyens de communication, j’ai du essuyer quelques échecs (il m’est arrivé de me déplacer avec mon traducteur et de faire plusieurs heures de moto sur des routes poussiéreuses et non entretenues pour finalement à l’arrivé, apprendre que la victime avait déménagée depuis plusieurs semaines ; résultat : une journée de boulot perdue et des frais inutiles).

J’ai profité de ce temps libre pour me balader dans les villages aux alentours de Kampong Thom. La vie ici est bien plus paisible qu’à Phnom Penh. La ville est toute petite et en dehors de la route nationale 6, qui relie Phnom Penh à Siam Riep et traverse le centre ville, la circulation est limitée. En prenant les petites rues qui partent de cette route principale, on se retrouve très vite en pleine campagne.
L’école n’ayant cours que le matin ou l’après-midi, selon les classes, il y a en permanence des gamins en train de jouer le long des chemins de terre rouge.

Partout autour des villages, les rizières s’étalent à perte de vue. C’est un vrai régal pour les yeux… Et comme dans toutes les campagnes que j’ai traversées jusque là en Asie, les gens sont souriants et ne ratent jamais l’occasion d’échanger un « hello » avec les étrangers.


Mes rencontres :

Pas de couchsurfing à Kampong Thom et je reste à l’hôtel Arunras, le principal hôtel de la ville (et le seul bâtiment à posséder un ascenseur !!). La chambre coute 6 USD mais j’ai un bureau pour travailler, un ventilateur en état de marche et une salle de bain particulière… J’y ai atterrit parce que c’est là que logent Emilia et sa collègue Annie.

J’ai rencontré Emilia à Phnom Penh, mais c’est à Kampong Thom que j’ai appris à la connaître. Française, de mère martiniquaise, Emilia a 25 ans. Elle parle couramment français, anglais, allemand et espagnol et travaille pour la coopération allemande.
Elle est venu passer quelques jours à Kampong Thom pour réaliser des interviews de femmes battues et c’est elle qui m’a mit sur la piste de LICADHO. Intelligente, ambitieuse et en même temps très attachée aux valeurs humaines, elle est le type même de personne avec qui j’espère rester en contact.

La LICADHO, Ligue Cambodgienne pour les droits de l’homme, est l’une des organisations les plus actives au Cambodge. Présente sur tous les fronts (droits des femmes, conditions de vie en prison, droit au logement, liberté de la presse, lutte contre la corruption, etc…) elle possède des bureaux à Phnom Penh et en province. Les membres du bureau de Kampong Thom, messieurs Noung Samoeun, Chhoum Run et Ek Sothea m’ont réservé un accueil chaleureux et m’ont plus qu’aidé dans mes recherches. Ils ont pris le temps de m’écouter et m’ont mis en contact avec des victimes de viol et violences conjugales sans perdre de temps. Ils m’ont même accompagné dans les villages (prenant sur leur temps de travail) et m’ont aidé à trouver un traducteur. Sans eux, je n’aurais jamais pu réaliser mes portraits…

Il me reste enfin à vous parler de mon traducteur, Chhit Neath, professeur d’anglais dans une école privée de Kampong Thom. En dehors de son habitude de répéter sans cesse « OK, right » et de couper la parole à son interlocuteur (très embêtant pendant les interviews…), il a été vraiment adorable. Il m’a invité à diner chez lui, très fier de me présenter sa famille, et m’a convié à rencontrer ses élèves… Pendant 2 heures, j’ai fait le tour des salles de classe pour échanger quelques mots avec des jeunes de 14 à 20 ans dont la principale préoccupation était de savoir si j’étais mariée et comment je trouvais les cambodgiens !!!


Mon film :

En dépit du fait que le Cambodge soit une société de type matrimoniale, beaucoup de violences existent à l’encontre des femmes et leur situation n’est pas enviable. Prostitution, trafic, viols et violences en tous genres, jets d’acides… et par-dessus tout ça, la misère ; les khmères n’ont pas la vie facile. Dans les zones rurales en particulier, le manque d’information et la corruption des services de police dissuade les victimes de porter plainte contre leur agresseur. La situation perdure, aux vues et aux sus de tous les chefs de village.

Pour illustrer la condition des femmes au Cambodge rural et dénoncer les discriminations dont elles sont victimes, j’ai choisit, avec l’aide de la LICADHO, de rencontrer Sokunthea, une jeune femme de 24 ans, mariée depuis déjà 8 ans et mère de 3 enfants. Elle vit avec sa grand-mère dans le village de Balang, district de Kampong Thom. Il y a environ un mois, juste après la naissance de sa dernière petite fille (le lendemain de son accouchement pour être exacte !!) son mari, pris d’une crise de rage, lui a ouvert la tête à coup de couteau. Il avait l’habitude de la battre, mais cette fois il avait dépassé les bornes : le chef du village est intervenu. Sokunthea a décidé de porter plainte.
Apres avoir été arrêté par la police puis relâché au bout de 3 jours, le jeune homme (24 ans) est parti avec son fils de 4 ans dans une autre province. Ses parents ont convaincu leur belle fille de retirer sa plainte.


En tournant le portrait de Sokunthea, je me suis rendue compte que les femmes victimes de violences conjugales au Cambodge sont mal informées de leurs droits. Elles ont aussi tendance à accepter la violence comme quelque chose d’inéducable, et donc à la supporter jusqu’au bout. D’autre part, la corruption au sein des organes répressifs est telle que souvent la victime se retrouve sans recours possible.
D’un point de vue plus technique, j’ai eu beaucoup de mal à interviewer Sokunthea. Bien sure, d’une part, parce que le sujet n’est pas facile à aborder, mais aussi parce qu’elle a eu beaucoup de difficultés à répondre aux questions un peu abstraites. Je me suis rendue compte que du fait de son maque d’éducation, elle avait des capacités d’analyse et de réflexion réduites (ce qui bien sure n’a rien à voir avec son degré d’intelligence) et qu’en dehors de tout ce qui concernait les aspects pratiques et matériels de sa vie, elle ne se posait pas de question…

L’autre femme que j’ai rencontrée dans le but de décrire la situation des femmes en zone rurale se prénomme Chakryia. Elle à 18 ans, vit avec sa grand mère, ses parents et ses 5 frères et sœurs dans le village de Thnal Bek, district de Kampong Svay.
Au mois d’avril dernier, alors qu’elle allait faire une course pour un voisin, elle a été agressée et violée par un individu âgé de 25 ans.
Poussée par ses parents et avec le soutien de tout le village, elle à porté plainte. Apres avoir passé 3 semaines en prison, le violeur a été relâché et à fui dans une autre province.
Dynamique, courageuse et ambitieuse, Chakryia a choisit d’aller de l’avant. Elle continue à suivre des cours au lycée dans l’espoir de pouvoir un jour travailler pour une ONG et défendre la cause des victimes de viol.

« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », telle pourrait être sa devise. Ce n’est malheureusement pas celle de la majorité des femmes violées au Cambodge. Il faut d’ailleurs savoir que le viol est un acte courant dans ce pays, semblerait-il depuis la période khmer rouge. Les victimes sont des femmes de tous âges, et souvent mêmes des enfants (80% des cas répertoriés par la LICADHO concernent des fillettes de moins de 14 ans). Elles sont violées par des voisins, des amis, voire même des membres de leurs familles. Pour celles qui n’étaient pas encore mariés, la vie devient difficile. Non seulement elles apportent la honte sur la famille mais en plus elles sont devenues impures et impossible à marier… Le cas de Chakryia nous prouve que les mentalités commencent à changer, autant au niveau des victimes, que de leur entourage. Mais combien de femmes auront eu à supporter les conséquences illégitimes et totalement injustes de leur agression (les parents allant même parfois jusqu’à marier la victime avec son agresseur pour sauver la face !!!) ?


Entre deux : Siam Riep




Apres avoir quitté Kampong Thom, je me suis arrêté quelques jours à Siam Riep, avant de continuer ma route vers la Thaïlande.
J’en ai profité pour prendre des vacances et aller visiter les célèbres temples d’Angkor, l’un des sites touristiques les plus visités au monde.


L’accès au site se monte à 20 USD par jour, une vraie fortune dans cette région du monde, et compte tenu du nombre de visiteurs, les temples sont une vraie manne pour le gouvernement local.

Du coup Siam Reap est une ville développée et agréable. Ses rue sont propres et bien moins grouillantes que celles de Phnom Penh. Les hôtels, bar et restaurants fleurissent dans le quartier touristique du vieux marché.
La population locale semble aussi mieux lotie que dans la capitale ; et même aux alentours, on voit peu de maisons en feuilles tressées, la plupart étant construites en bois ou en ciment.

Mes rencontres :

A Siam Reap, j’ai passé mes soirées dans le bar du copain d’un copain, installé au Cambodge depuis 10 ans, à boire de la bière avec des expatriés et franco-khmers d’un style complètement différent de ceux que j’avais rencontré à Phnom Penh : la plupart étant des bizness men, et non pas des travailleurs sociaux.

Et puis j’ai rencontré Méline, une bretonne de Paris avec qui j’avais plein de points communs (son copain est musicien et son beau-frère rugbyman !!)
Ensemble, on s’est promené jusqu’au village sur pilotis de Kampong Pluk… Une virée jusqu’au Tonlé Sap en tuk-tuk, moto et bateau, le tout sur des routes presque impraticables et des canaux étroits. Enfin le village valait le coup d’œil et le coup de camera !!!

4 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est passionnant de te lire.Continnues a nous raconter ton voyage
Bisous
helene

Anonyme a dit…

Vraiment chouette de t'avoir rencontree Emilie !! Et je peux t'asurer qu'on se reverra !
Gros gros bisous a toi et bonne chance pour tout xxx

Anonyme a dit…

J'oubliais...tes photos sont tellement magnifiques !!!

Anonyme a dit…

Merci madame,
Je viens de vous lire avec émotion. J'y étais..
J'ai connu le Cambodge... dans une autre vie... (avant 75...)
Vous faites preuve d'une grande humanité et humilité. Deux valeurs essentielles.